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5 avril, il ne restait au 1er régiment que 8 officiers de la première formation. « Je crois bien que le 2e en a moins encore, » notait mélancoliquement l’ancien commandant du 3e bataillon.

Mais les nouveaux valaient les anciens. Une émulation d’héroïsme les emportait à « faire aussi bien » que leurs ainés et, s’il se pouvait même, à faire mieux. Ils y parvenaient quelquefois. Pendant trois longs mois, jusqu’au 9 mai, l’histoire de la brigade ne contiendra aucune grande action militaire. On se bornera à l’organisation du front ; on perfectionnera les tranchées ; on créera une troisième ligne ; on multipliera les avant-postes ; on travaillera surtout, du 15 mars à la fin d’avril, à la construction de petits fortins et d’abris de mitrailleuses qu’il faudra relier ensuite et qu’on n’occupera d’ailleurs que la nuit. Travail délicat, contrarié perpétuellement, dans le secteur de Saint-Georges, par les batteries de 77, qui nous prennent « de face et de profil, » de Mannekenswere et de Nieuwendamme. Que la relève tarde un peu, comme il faut traverser une zone découverte, tout est à craindre. L’ennemi, du reste, ne se montre pas moins actif que nous. Il travaille d’arrache-pied sur tout son front ; il le fouit, le blinde, le bétonne ; il rapproche ses avant-postes, et ce sera entre lui et nous, pendant trois mois, une guerre de « chicane » aussi coûteuse d’un côté que de l’autre, pleine de beaux actes, de traits dignes de Plutarque, mais qui obtiendra rarement les honneurs du communiqué. Tantôt, comme aux Roode-Poort, après nous avoir laissés prendre possession des fermes, qu’il a évacuées et dont il a préalablement asséché le polder par une coupure pratiquée dans la digue de l’Yser entre les bornes 15 et 16, l’ennemi les couvrira d’un tel déluge de feu que nous serons finalement contraints de les abandonner ; tantôt au contraire, comme à la Ferme aux Canards, c’est nous qui le délogerons, — sans trop de peine, — d’un ouvrage de notre ligne où il s’est subrepticement introduit et qui l’obligerons à se replier sur ses anciennes positions.

La conquête d’un de ces ouvrages, très fortement organisé celui-là et qui nous gênait extrêmement, mérite cependant une mention particulière. On la dut à l’enseigne Jacques Bonnet, de la 12e compagnie (3e bataillon du 2e régiment), qui, depuis plusieurs semaines, en ruminait le plan et n’attendait qu’un moment favorable pour passer à l’exécution. Il s’agissait de