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Mais la nuit est si noire et ces baraquements sont si bien cachés qu’on tourne tout autour pendant une heure avant de les découvrir. « Jean Gouin peste, Jean Gouin ronchonne, » et Jean Gouin n’a pas tout à fait tort. Demain, quand il verra les baraquements, — baptisés camp Gallimart du nom d’un capitaine de zouaves tué à Nieuport, — il ne fera plus la grimace.

Ces baraquements sont en effet fort bien compris. Un plancher incliné, avec de la paille, y sert de couchage. Chaque baraque peut loger une section de 45 à 50 hommes et, pour la mettre à l’abri des obus, il suffira de l’ « enterrer » complètement dans le sable. Aussi le général Hély d’Oissel décide-t-il de multiplier ces sortes de cantonnements qui présentent tant d’avantages pratiques : après le camp Gallimard, il y aura le camp Ribaillet, entre le Bois Triangulaire et Oost-Dunkerque, le camp Jeanniot, à côté de Coxyde-Ville, un peu plus tard le camp de Mitry, le camp de Buyer, le camp de Juniac, etc. L’ennemi finira bien par repérer ces camps à l’aide de ses aéros, mais, sauf à Ribaillet, il ne leur causera aucun dommage sérieux. Les baraques d’ailleurs ont été très espacées pour éviter que l’ennemi puisse concentrer sur elles son artillerie. Tous les hommes font l’éloge des nouvelles installations : « C’est propre, c’est chic, écrit Luc Platt. Pas de boue. Et il y a des endroits réservés pour faire la cuisine ! » Une seule chose laisse à désirer : l’eau, qui est rare et peu potable, mais « on va faire des installations pour la filtrer. » Et puis ce n’est plus ici comme à Dixmude et les hommes reçoivent « un bon demi-litre de vin tous les jours. » Comme vivres, « de la viande fraîche, du sucre, des haricots, du thé, » sans compter les « vivres supplémentaires, beurre, sardines, fromage, » que les capitaines prévoyants, comme celui de la 11e compagnie (de la Fournière), s’arrangent pour procurer à leurs hommes. Le « singe » lui-même s’est amélioré : c’est du corned-beef australien, de Sidney : on dirait « du jambon, mais il est salé et donne soif. » La vie, dans ces camps, est ainsi parfaitement supportable. « Quand il fait beau, on peut se rouler sur le sable ; quand il pleut, ma foi, on reste à l’abri. » Et d’ailleurs, de 5 à 7 (ou de 6 à 8) heures il est permis de « descendre à terre. » Entendez : de se rendre à Coxyde, le « Trouville » de cette partie du front, pas trop démoli, très suffisamment achalandé,