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teur de la borne kilométrique 14, sur le parallèle de la ferme Groot-Bamburg, qui n’était cependant pas à nous, car notre ligne, parvenue au Boterdyck, épousait le remblai jusqu’au Pont-de-Pierre et remontait ensuite le canal d’évacuation qu’elle coupait à un kilomètre de là. C’était un tracé aussi irrégulier que possible, tout en angles droits, conformément à la structure géométrique des routes et des canaux du pays. Cela ne laissait pas d’y rendre les relèves fort délicates, « les boyaux étant impraticables et les chemins d’accès battus par les balles » (commandant Mauros.) De plus, les tranchées, vers Lombaertzyde, n’étaient encore qu’à l’état d’ébauche : « Quelques sacs de place en place, des trous de cent mètres en cent mètres, sans rien pour se dissimuler à la vue, et, en face, tout près, le Boche installé presque confortablement, tirant dans nos vides avec une insistance qui nous valut bien des pertes[1]. » Le 3e zouaves n’avait pas eu le temps de s’installer sérieusement sur ce terrain nouvellement conquis par lui : non seulement le plus gros, mais presque la totalité du travail y était à faire. « Tout y est de nos mains, dit un officier (Mérouze), les parapets de sacs, les pare-éclats en bois et terre, les fascines, les planchers de rondins, les fils de fer, les chevaux de frise. » — « Avons-nous assez travaillé, mon Dieu, dans ce sable noyé d’eau, percé de trous d’obus et empuanti de cadavres ! écrit un autre jour le même officier. Chaque sac, chaque piquet sont pour moi des souvenirs, et combien de mes Jean Gouin n’ont eu pour sépulture qu’un petit bout de terrain placé un peu en arrière de la tranchée et un peu moins fangeux que le reste ! » Seuls, des marins, les plus ingénieux par profession de tous les hommes, les plus accoutumés à tirer parti des moindres espaces, étaient capables d’édifier dans ces marécages un P. C. de compagnie presque attrayant, « une demeure ombreuse portant comme enseigne une belle plaque émaillée : Pension Marie-Louise, ramassée quelque part dans Nieuport. » Avec leurs airs « bucoliques, » ces P. C. n’étaient pas beaucoup plus sûrs que les tranchées. Dans celui du commandement Mauros, antérieurement occupé par un commandant de zouaves, un obus de gros calibre avait démoli le pignon, et ses hôtes successifs avaient dû se contenter de la

  1. Carnet du lieutenant de vaisseau Mérouze.