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LA
VALEUR MINIÈRE ET INDUSTRIELLE
DE L’ALSACE-LORRAINE

Le retour à la paix, qui nous rend le loisir de la réflexion, nous fait, en même temps, constater l’effroyable profondeur des blessures reçues dans le combat par la France ; il nous amène à dresser le funèbre bilan des deuils et des destructions irréparables. Pendant la griserie de la bataille, on n’y pensait que distraitement, on évitait surtout d’y penser. Mais, aujourd’hui, nous sommes bien forcés de regarder la réalité en face. C’est après avoir déposé l’épée que le vainqueur d’un duel, en se sentant fléchir soudain, reconnaît combien de sang il a perdu. Près de deux millions d’hommes manquants, cinq départements ravagés, 182 milliards de dépenses militaires ! Que de longues années il nous faudra, non pas pour guérir le mal ou pour l’oublier, mais seulement pour en éprouver moins cuisamment la brûlure ! Dans ces heures dont la joie patriotique est douloureuse, nous nous tournons alors vers notre vraie et grande consolation, qui fut d’abord toute sentimentale et qui va devenir matérielle, vers l’Alsace et la Lorraine... Aujourd’hui où le drapeau français flotte sur Strasbourg et sur Metz, où nos frères affranchis sont rendus à la mère-patrie, nous osons envisager un côté de la question, sur lequel nous aurions rougi d’arrêter notre esprit pendant la bataille. Nous commençons à réfléchir que le pays délivré va, dans une certaine mesure, compenser nos misères, aider à notre reconstitution industrielle, combler le gouffre de nos dettes. Jamais aucun de nous ne s’était dit cela un instant, quand nos fils marchaient au feu et à la mort : que la France gagnerait à ce jeu sanglant quelques