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ce feu, ces voiles blancs tous pareils où se jouaient subtilement les reflets du brasier, ces foulards multicolores d’une variété harmonieuse, tous ces bijoux semblables, posés aux mêmes places, tous ces mouvements identiques accomplis sur un rythme parfait, et jusqu’à ces tatouages, ces boules rouges et ces fards qui uniformisaient les visages, tout cela composait un spectacle d’une unité surprenante, une beauté collective que l’on ne rencontre guère à ce point de perfection dans nos civilisations d’Europe, où chacun garde le souci de rester toujours lui-même et de jouer son rôle à part… Ce n’était plus Crozant, ce n’était plus Coucy que j’avais sous les yeux. Jamais chez nous, en aucun temps, on n’a connu dans nos villages ces sortes de danses sacrées. Avec ces femmes je m’enfonçais au fond d’âges beaucoup plus lointains. Évidemment les filles de l’ancienne Grèce étaient autrement belles que ces villageoises barbares, mais sans aucun doute ce qui faisait la beauté de leurs panathénées, c’était ce rythme, cette unité qui se manifestait, ce soir, devant moi.

La foule des gens qui remplissait la grande cour en pente, et dont les flammes du brasier éclairaient la masse confuse, semblait hypnotisée par cette musique et cette danse. À tout moment, au travers de la multitude pressée, passaient des serviteurs qui portaient sur leur tête des braseros enflammés ou des moutons qu’ils allaient égorger. Quand on levait les yeux, on voyait dans la nuit rendue plus sombre par l’incandescent éclat du feu, le haut donjon sévère où brillait de la neige, et à la lueur des flammes on s’étonnait de découvrir sur cette bâtisse brutale un détail de décoration, une fleur, une moulure, un rinceau où s’était attardé avec beaucoup de complaisance l’outil d’un artiste rustique, et aussi de petites fenêtres avec des grillages de fer habilement ouvragés qui prenaient au milieu de ces ténèbres sauvages un aspect un peu mièvre de sérail oriental. Et indéfiniment, pendant des heures et des heures, la danse, les chants, les battements de mains, la musique des tambours se poursuivait sans lassitude, sans que rien modifiât jamais les attitudes et les gestes de ces danseuses infatigables, sauf aux moments où des paquets d’étincelles, emportées par le vent, les obligeaient à protéger leur figure avec leurs mains ou bien à secouer sur leurs voiles cette poussière enflammée. Et le brasier lui non plus ne faiblissait jamais, lançant très haut ses flammes