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LE FRONT DE L’ATLAS

UN
GRAND SEIGNEUR BERBÈRE
SUR LA HAUTE MOULOUYA

III [1]


1. — LA JOURNEE ORIENTALE

Le cheval de la « cinquième catégorie » que m’a prêté le Dépôt du Génie, s’avance tête basse, à pas comptés, écrasant sous son sabot marqué d’un matricule la terre qui s’effrite en poussière. Il fait 40 degrés à l’ombre. Mais où est l’ombre, Seigneur, dans l’étendue qui flamboie ? Tout est vide et brûlé. Sous les paupières fermées les yeux sentent encore le brutal éclat de la lumière et ne peuvent s’entr’ouvrir sans être douloureusement meurtris. Autour de moi les Askris du Pacha s’en vont à la débandade, pieds nus, leurs souliers sur le dos, le fusil en bandoulière, et devisant d’histoires de femmes, comme tous les soldats du monde. Ni le soleil, ni la poussière, ne semblent exister pour eux ; depuis hier soir ils n’ont ni bu ni mangé, et bien qu’il soit plus de midi, et que nous marchions depuis l’aube, pas un d’eux ne s’est encore reposé. Toujours du même pas rapide ils continuent de cheminer sous un ciel embrasé, à travers l’étendue aux durs cailloux miroitants. Là sont passées,

  1. Voyez la Revue des 1er avril et 15 juin.