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peuple, et lui donnera la victoire et la liberté. » Un autre prêtre député, M. Valousek, développait ces espérances devant vingt mille catholiques Moraves, et les appelait à être les architectes d’un État tchéco-slovaque souverain et indépendant[1].

Un club parlementaire yougo-slave se formait : Mgr Korosec, prélat Slovène, le présidait. Il répondait à la confiance des âmes et à celle de son club en lisant au Parlement, dès le 30 mai 1917, une déclaration irrévocable, exigeant que toutes les contrées serbes, croates et slovènes, sur lesquelles l’aigle à deux têtes faisait planer ses serres, formassent à l’avenir une démocratie indépendante, unifiée. « Il est deux idées qui ne périront jamais, insistait un autre prélat qui s’était fait une gloire comme défenseur des paysans slovènes, Mgr Krek : que les Serbes et les Croates sont un même peuple, et qu’ils appartiennent ensemble à un organisme d’État auquel ils doivent fatalement appartenir. » Un député croate de l’Istrie, Mgr Spincic, donnait des précisions sur la paix que l’on voulait et que l’on aurait.


Pour arriver à la paix, expliquait-il, il faudrait que chaque nation à part, dans ses assemblées distinctes, puisse décider de son sort. Après la guerre il faut rendre à jamais impossible le retour du traitement que certains peuples ont dû subir, entre autres le peuple serbe-croate-slovène. Il ne doit plus exister deux catégories de peuples, les oppresseurs et les opprimés. Le dualisme, tel qu’il est, n’est qu’un malheur pour les Yougo-Slaves ; il signifie pour eux la mort et la destruction de leur nation. Par suite du dualisme, les Yougo-Slaves sont, d’une part, à la merci des Allemands, de l’autre, à la merci des Magyars, et, dans certaines régions, à la merci des Allemands et des Magyars réunis. Pendant cette guerre, les Yougo-Slaves ont été plus que jamais opprimés, comme soi-disant traîtres à la patrie. Ils aiment mieux cependant être qualifiés de traîtres à l’État par ceux qui veulent anéantir la nation yougo-slave, que de se constituer, eux, les traîtres de leur nation.


Les accents de ces députés prêtres répercutaient un vaste référendum, organisé par le clergé sur un grand nombre de points de la Yougo-Slavie : référendum d’évêques et de curés, référendum de paysans, référendum de femmes. « Je proteste énergiquement, écrivait Mgr Jeglic, prince-évêque de Ljubljana

  1. René Pichon, Revue des Jeunes, 10 novembre 1918, p. 536-537.