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avenir que nous, mais parce que leur liturgie est belle et majestueuse et qu’elle a été introduite dans l’Église par saint Basile et saint Chrysostome ; parce que sur leurs autels comme sur les nôtres apparaît le Dieu vivant. N’écoutons jamais ceux qui voudraient nous diviser en quelque façon, ceux-là évidemment sont nos ennemis communs. Que les deux saints Cyrille et Méthode nous unissent dans une amitié fraternelle !


Ceux qui « voulaient diviser, » c’était la bureaucratie germanique de Vienne, et c’était le magyarisme germanisé : la politique générale de la monarchie dualiste, sous les dehors édifiants et dévotieux qu’affectait aux jours de fête Sa Majesté, allait faire obstacle aux apostoliques efforts de Léon XIII pour propager à travers l’Orient slave l’idée morne de catholicité.


IV. — LE SAINT-SIÈGE ET LE PROTECTORAT BALKANIQUE DE L’AUTRICHE : LÉON XIII ET PIE X

Chez ces peuples avec lesquels voisinait l’imagination de Strossmayer et vers lesquels s’évadait l’imagination de Léon XIII, deux traits apparaissaient ineffaçables, et ces deux traits étaient deux susceptibilités. Ils étaient jalousement attachés à leur liturgie traditionnelle ; et jalousement, aussi, à leur fierté nationale. Le catholicisme, c’est moi, disait l’Autriche. Elle affichait la prétention politique de se présenter aux populations serbes, bosniaques, monténégrines, comme la protectrice, et la fourrière de la foi romaine ; et elle voulait amener l’Église de Rome, dans le bassin du Danube, à ne plus parler à Dieu qu’en latin. Cette Église apparaissait ainsi solidaire d’une puissance étrangère, d’une puissance que le Balkan slave détestait comme une servile satellite du germanisme. Ce fut l’une des idées maîtresses de Léon XIII, de briser cette solidarité. Il estimait, et dès 1881 il disait aux pèlerins slaves amenés par Strossmayer, que Dieu réservait leur race pour de grandes destinées : il semblait que l’Église, d’un geste émancipateur, voulût écarter les obstacles auxquels ces destinées se heurtaient.

Strossmayer eût désiré, au lendemain de l’encyclique sur les saints Cyrille et Méthode, qu’une fois au moins, dans les églises catholiques de Croatie, on célébrât la messe en slavon, pour témoigner aux frères séparés le respect et l’affection de