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de façon définitive le régime agraire en Russie sur des bases solides. Le bouleversement social et économique qui suivit dans les campagnes russes la révolution politique détruisit hélas ! ces magnifiques résultats, et nul ne peut prévoir quand et comment la Russie se relèvera du coup qui lui a été porté par ce bouleversement.

Vers la mi-septembre, M. Stolypine fit paraître dans les journaux un long et vigoureux communiqué officiel résumant son programme politique. Tout en annonçant dans ce communiqué l’intention où était le gouvernement de réprimer, par les moyens les plus énergiques, les attentats terroristes et de maintenir à tout prix l’ordre dans le pays, M. Stolypine y déclarait que « le but du gouvernement ne saurait être modifié par les projets des criminels ; » « on peut tuer telle ou telle personne, » y était-il dit, « mais il est impossible de tuer l’idée dont le gouvernement s’inspire ; les crimes rendent le but final plus difficile à atteindre, mais ce ne sont que des faits occasionnels. Le gouvernement opposera la force à la violence : il ne peut suspendre toute réforme et interrompre la vie même du pays pour s’attacher uniquement à la répression de la révolution. Il sait qu’il a devant lui des questions diverses dont les unes seront résolues par la Douma et le Conseil de l’Empire, et d’autres, d’une particulière urgence, comme la question agraire et celle des restrictions religieuses, seront réglées immédiatement. » Suivait l’énumération des projets de loi qui devaient être soumis à la Douma. Le communiqué se terminait par l’importante déclaration que le gouvernement comptait « s’appuyer sur la fraction libérale du pays, qui devait désirer la tranquillité de l’État, et non sa mise en péril. »

Les déclarations de M. Stolypine, — conspuées, comme il s’y fallait attendre, par les partis libéraux-extrêmes et révolutionnaires, — produisirent dans le pays la meilleure impression. Quelques semaines plus tard, devait avoir lieu le premier anniversaire de la charte constitutionnelle de 1905 ; les alarmistes se plaisaient à prédire, pour cette date, des désordres et des démonstrations hostiles au gouvernement : il n’en fut absolument rien. Si l’on fait abstraction des attentats terroristes qui continuaient sans interruption, mais qui, d’après l’expression de M. Stolypine, n’étaient que « des faits occasionnels, » on sentait grandir dans le pays tout entier une aspiration à l’ordre et à la tran-