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à cette époque sous les coups des terroristes, est trop longue pour pouvoir être citée en entier : le meurtre du général Minn fut suivi incontinent par ceux du général comte Ignatieff, du général Kozloff, du général von der Launitz, préfet de Saint-Pétersbourg, des gouverneurs de Varsovie, de Samara, de Penza, du commandant de la flotte de la mer Noire, etc.

Les terroristes agissaient avec une extrême audace, faisant d’avance le sacrifice de leur vie ; ainsi une femme arrêtée dans la rue où elle guettait le grand-duc Nicolas, portait sur elle une espèce de veste contenant dans sa doublure une quantité considérable de dynamite qu’elle devait faire exploser si le grand-duc échappait au revolver. Je fus personnellement témoin de deux attentats. En premier lieu, le meurtre du général Kozloff tué dans la partie la plus fréquentée du parc de Peterhof, à quelques pas de l’aile du vieux palais où j’avais un appartement : le pauvre général, personnage des plus effacés, fut la victime de sa ressemblance avec le général Trépoff, que le meurtrier croyait viser. Puis ce fut le général von der Launitz, préfet de la capitale, qui tomba tout près de moi, abattu de plusieurs coups de revolver, à l'issue de la cérémonie d’inauguration de l’Institut Pasteur de Saint-Pétersbourg.

Comme je l’ai dit, le Conseil des Ministres qui se tint, le soir même de l’explosion du 25 août, à la résidence de ville du premier ministre, eut une grande importance. M. Stolypine l’ouvrit par un discours des plus énergiques. Il commença par déclarer que l’attentat dont il avait été l’objet et qui l’avait frappé dans ses enfants, ne modifierait en rien sa ligne politique. Son programme restait le même : répression impitoyable de tout désordre et de tout acte révolutionnaire ou terroriste ; réalisation, avec le concours de la future Douma, d’un large programme de réformes dans un sens libéral ; solution immédiate, par voie de décrets, des problèmes les plus urgents, en premier lieu de la question agraire. D’après lui, nous devions nous attendre à ce que le parti réactionnaire profitât de l’occasion pour pousser l’Empereur à instituer une dictature militaire et même à abolir la charte de 1905 et à revenir au régime du pouvoir absolu. Il s’opposerait de toutes ses forces à un pareil revirement et, plutôt que d’abandonner le terrain constitutionnel et de renoncer à son programme, il était résolu à quitter le pouvoir. Il termina en exprimant