Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plutôt le rétablissement par les moyens les plus énergiques de l’ordre profondément troublé dans les villes et surtout dans les campagnes, — de l’autre, l’élaboration de toute une série de projets de lois destinés à être présentés à la Douma. M. Stolypine tenait essentiellement à éviter la faute commise par le Gouvernement précédent et à ne pas laisser la nouvelle assemblée s’agiter dans le vide et se perdre en déclamations stériles. Lorsqu’ils se réuniraient au Palais de Tauride, les députés devaient trouver devant eux un ensemble de projets de lois dont le but était d’introduire des réformes libérales dans les domaines les plus divers de la vie nationale. Vaste programme qui embrassait toutes les grandes questions d’alors : liberté religieuse, inviolabilité de la personne, égalité civique, amélioration de la situation des ouvriers à l’aide d’assurances de l’Etat, réforme des autonomies locales ou zemstvos, création de zemstvos dans les parties de l’Empire où ils n’existaient pas (provinces du Nord-Ouest et Provinces baltiques), création de zemstvos et de municipalités en Pologne, transformation de la justice locale, réforme des écoles supérieures et moyennes, impôt sur le revenu, réforme de la police, etc.

En dehors de ce programme, qui aurait suffi à lui seul pour occuper la Douma pendant plusieurs sessions, il y avait à cette époque un certain nombre de questions brûlantes qui réclamaient de la part du Gouvernement des solutions immédiates, je dirais presque : préventives. C’est ainsi qu’il fallait abroger d’urgence certains décrets particulièrement odieux contraires à la liberté religieuse et touchant à la condition des vieux croyants et des juifs ; mais ce qui exigeait surtout de promptes mesures, c’était la question agraire qui avait pris un caractère d’extrême acuité.

Pour aller au plus pressé, M. Stolypine résolut d’avoir recours à l’article 78 de la loi constitutionnelle qui donnait au Gouvernement la faculté, pendant la suspension des travaux de la Douma et en cas de circonstances exceptionnelles nécessitant des mesures législatives, de prendre ces mesures par voie de décrets, à la condition de les soumettre à la Douma dans les deux mois qui suivraient la reprise des travaux de cette assemblée.

On a souvent reproché à M. Stolypine le large emploi qu’il a fait de cet article 78 copié sur le fameux article 14 de la Constitution autrichienne ; moi-même, par la suite, j’ai jugé