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REVUE DRAMATIQUE


COMEDIE-FRANÇAISE : Les Perses, traduction en vers de Mme Silvain et Jaubert. — ODEON : Le Crime de Potru, pièce en trois actes et un prologue, de M. Charles-Henry Hirsch. — THEATHE SARAH-BERNHARDT : Napoléonette, comédie historique de Mme André de Lorde et Jean Marsèle, d’après le roman de Gyp.


Les dieux, amis des Grecs, ne jugèrent point que ce fût assez de leur donner la victoire à Salamine. Ils voulurent que parmi les combattants se trouvât un des plus grands poètes de ce temps-là et de tous les temps. Alors la Grèce victorieuse reçut un genre de récompense, dont seule une race guerrière et artiste pouvait goûter tout le prix : dans ce décor d’une nature encore toute meurtrie par les dévastations de l’envahisseur, devant ce paysage marin où venaient à peine de mourir les derniers bruits de la bataille, elle assista à cette splendide et délicate apothéose d’elle-même qu’est la tragédie des Perses. Nous pourtant, après vingt-cinq siècles, nous n’avons pas cessé d’entendre l’immense lamentation qui emplit de deuil et de honte le palais de l’ennemi vaincu.

Les Perses sont sans doute le plus beau chant de triomphe qui ait jailli d’une poitrine humaine, le plus large, le plus soutenu, et en même temps le plus noble, le plus pur, digne du peuple qui, vers la même époque, taillait dans le marbre les blanches Victoires, restées sans égales au ciel de l’art. C’est le plus magnifique poème inspiré par la victoire, non par son ivresse, mais par son enthousiasme grave et réfléchi. Mme Silvain et Jaubert ont pensé que, dans l’atmosphère d’aujourd’hui, il prendrait une sorte d’actualité, et qu’au lendemain de l’épreuve dont nous sommes, nous aussi, victorieusement sortis, il éveillerait en nos âmes d’intimes et pathétiques résonnances. Ils ont eu grandement raison. Avant donc d’assister à la représentation