Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/93

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus les Belges : « Nous tenons la nouvelle pour aussi fausse que les précédentes, déclara-t-il, et répandue par des gens qui ont intérêt, sans doute, à égarer l’opinion belge et à l’exciter contre l’Allemagne. »

Quelques heures après ces rassurantes paroles, disons le dimanche 2 août à sept heures du soir, le même M. von Below remettait au gouvernement belge l’ultimatum de l’empereur d’Allemagne.


III. — LA RÉPONSE A L’ULTIMATUM

Jamais langage aussi ignominieux n’avait été parlé au peuple belge depuis deux mille ans d’histoire. A l’offre cynique de violer sa foi s’ajoutait la menace de le punir s’il l’observait. Des intentions attribuées arbitrairement à un autre État y devenaient des nouvelles sûres : la complicité s’y appelait « neutralité bienveillante, » et une nation libre et fière était invitée à ne pas regarder la violation de son territoire comme un acte d’hostilité. L’ultimatum ne reproduisait pas le grief articulé le 31 juillet par M. von Jagow ; la nuit avait porté conseil et l’on croyait avoir trouvé mieux à Berlin. Par malheur pour la chancellerie allemande, l’historiette des Français marchant ou se proposant de marcher par Givet et Namur contre l’Allemagne se produisait au lendemain du jour où la France venait de déclarer de la manière la plus formelle son intention de respecter la neutralité de la Belgique. Si on l’avait su en temps utile à Berlin, on y aurait sans doute imaginé une troisième justification de l’attentat. Mais il est à noter qu’au lieu de nous demander si nous étions prêts à repousser l’invasion et de nous offrir un concours, on nous annonçait qu’on nous envahirait !

Présenté à sept heures du soir, l’ultimatum nous laissait un délai de douze heures pour faire connaître notre décision. Nous devions délibérer en hâte, la nuit, sans avoir le temps de réfléchir. Tout était calculé pour nous énerver.

Si l’Allemagne avait compté sur notre lâcheté, cette illusion ne dura pas plus de douze heures. La réponse de la Belgique fut telle que la voulaient son devoir et le respect d’elle-même : elle déclara qu’en acceptant les propositions allemandes, elle sacrifierait son honneur et trahirait ses devoirs vis-à-vis de l’Europe.