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plébiscite. » En effet, les manifestations en l’honneur de la France s’étaient succédées à Strasbourg pendant les journées du 9 et du 10 novembre, qui, par ailleurs, étaient si fécondes en événements.

Le 9 novembre, on apprenait à la fois la remise des conditions de l’armistice aux plénipotentiaires allemands, l’abdication de l’Empereur et la proclamation de la République à Munich. Déjà depuis quatre jours, la révolution, qui avait éclaté d’ans les équipages de la flotte, se propageait en Allemagne. De Kiel et de Hambourg, des trains de matelots armés partaient pour proclamer la république sociale dans toutes les villes importantes. Un de ces trains de matelots, malgré la fusillade qui fut dirigée sur lui à Kehl, et qui fit quelques victimes, arriva à Strasbourg dans la nuit du 9 au 10, occupa la gare, le poste de la place Kléber, et força le gouverneur à démissionner. Entre temps, les autorités militaires avaient reçu du Grand Quartier Général l’ordre d’éviter à tout prix une effusion de sang. Aussitôt, sous la direction des socialistes allemands Böhle et Riehl, se forma un conseil d’ouvriers et de soldats qui s’installa à l’hôtel de ville, prit possession de l’administration municipale, et institua dans les Casernes le régime de la Garde Rouge. Il releva de ses fonctions le président de la police Lautz (trop tard malheureusement pour empêcher la destruction des principaux dossiers). Puis il adressa à la population une proclamation où il disait que « le pouvoir réactionnaire avait pris fin » et qu’ « une nouvelle ère commençait. » Pendant ce temps, dans les rues, les officiers se laissaient arrêter par les soldats qui arrachaient leurs insignes et brisaient leurs épées. Pas un seul cas de résistance ne fut mentionné.

Dans cette matinée du 10 novembre, le conseil municipal, essayant de sauver ses pouvoirs, se réunit à l’hôtel de ville pour « démocratiser l’administration. » Il élut maire le chef du parti socialiste, M. Peirotes, qui déclara adhérer au Conseil des ouvriers et des soldats. Le conseil municipal élut ensuite une commission de huit membres. Celle-ci, sous la présidence du maire, devait s’associer au Conseil des ouvriers et des soldats qui, de son côté, élut un président, M. Rebhotz, et un comité exécutif de treize membres pour prendre toutes les mesures nécessaires à la sécurité de la ville. Il devenait en effet urgent d’arrêter les pillages et les désordres. Déjà les magasins