Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/896

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui avait répondu : « Partez simplement en congé et vous présenterez ultérieurement vos lettres de rappel. » C’est ainsi qu’aux mois de juillet et d’août 1891, il se retrouvait à Saint-Pétersbourg, prêt à en repartir après avoir amorcé la négociation dont nous venons de parler.

Le 10 août, il prit congé de l’Empereur. Il savait déjà par de Giers que le principe d’une entente avec la France était arrêté, mais que la forme à donner à cette entente restait encore à examiner. Alexandre le lui confirma :

« Il ne faut rien précipiter, dit-il ; ce n’est pas par le télégraphe qu’on peut préciser les termes d’un accord ; agir ainsi serait très dangereux. Le baron de Mohrenheim qui doit être consulté viendra à Pétersbourg et je pense qu’au mois d’octobre ou de novembre, nous verrons plus clair dans la situation. »

Laboulaye partit trois jours plus tard, mais à peine arrivé à Paris, alors qu’il croyait que son rôle en Russie était fini, M. Ribot l’invitait à y retourner pour représenter la France aux fêtes de Cronstadt et répondre ainsi à un désir exprimé par l’Empereur dans un entretien qu’il avait eu avec M. Flourens, l’ancien ministre des Affaires étrangères, qui voyageait alors en Russie. À cette époque, le nouvel ambassadeur de France venait d’être désigné ; c’était le marquis de Montebello, diplomate de carrière qui avait déjà occupé des postes importants et à qui était réservé l’honneur de signer la convention militaire de décembre 1893, après avoir pris la plus active part aux longs et laborieux pourparlers qui la précédèrent. Mais il n’avait pas encore présenté ses lettres de créance ; il attendait à Paris ses instructions et son ordre de départ ; l’Empereur considérait comme inopportun qu’il représentât la France au cours des manifestations auxquelles donnerait lieu la présence de la flotte française dans la Baltique et comme juste que ce grand rôle fût tenu par Laboulaye, metteur en œuvre de ce mémorable événement. Laboulaye s’empressa de déférer à l’invitation qui lui était adressée ; elle constituait pour lui une récompense qui couronnait au-delà de ses espoirs sa mission en Russie.

Ces fêtes de Cronstadt, je renonce à les raconter ici ; elles ont eu un retentissement non encore oublié. L’accueil fait à nos marins à Cronstadt, à Moscou, à Saint-Pétersbourg, l’enthousiasme des populations sur le passage de l’amiral Gervais et de ses officiers, leur réception à Péterhof, la visite de l’Empereur