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ainsi. Jamais témoignages de confiance et d’amitié ne s’étaient prodigués de la part du gouvernement russe avec autant d’abondance et de bonne grâce ; mais ils étaient loin d’être épuisés ; d’autres devaient suivre et prouver combien le Tsar maintenant attachait de prix à l’entente devant laquelle il avait si longtemps hésité.

A la fin du mois d’août 1890, le général de Boisdeffre, après avoir passé quinze jours au camp de Tsarkoe-Sélo et assisté aux manœuvres de Narva, était au moment de rentrer à Paris. Les impressions qu’il rapportait de son séjour auprès d’Alexandre III et de Guillaume II justifiaient amplement le conseil donné par Laboulaye au gouvernement de la République d’insister pour obtenir du gouvernement russe la présence du général de Boisdeffre à ces manœuvres. Mais il souhaitait davantage et croyait que l’heure était venue où le rapprochement de la France et de la Russie qui, après avoir longtemps paru une illusion, se fortifiait peu à peu, devait prendre une forme plus décisive et plus active : « Après les bons procédés par lesquels nous facilitons l’armement de l’infanterie russe, écrivait Laboulaye, il n’y a plus, semble-t-il, qu’un pas à faire pour entrer dans la place. »

C’était aussi l’opinion du général de Boisdeffre. Il pensait que sa mission devait avoir pour effet de franchir ce pas. Il avait eu journellement des entretiens avec le ministre de la Guerre russe et le général Obroutcheff, chef de l’État-major général, et désormais le contact était établi entre les États-majors généraux. Il ne pouvait que se consolider, puisque des deux côtés, on envisageait l’hypothèse d’une action militaire commune dans le cas d’une attaque contre la Russie ou contre la France. Laboulaye faisait spirituellement remarquer à ce propos que c’était un assez singulier hasard qui faisait que cet utile résultat eût été obtenu pendant le cours d’une ambassade civile à Saint-Pétersbourg : « Les partisans d’une ambassade militaire doivent voir qu’il ne faut pas être trop absolu à cet égard et que nos officiers savent toujours remplir leur tâche, quelle qu’elle soit, en restant dans leur compétence. »

Ainsi dans sa pensée comme dans celle de Boisdeffre, les bases d’une entente existaient dès maintenant. Mais, durant les mois qui suivirent, les circonstances ne se prêtèrent pas à ce qu’on allât plus loin. C’est seulement au mois de juillet de