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seulement active, mais glorieuse, aux opérations, constamment réalimentes par les corps de seconde ligne. À l’époque, la presse rapporta avec force détails les exploits des Sénégalais, à Barleux, à la Maisonnette, devant Péronne, lors de l’offensive du général Fayolle sur la Somme, et devant Verdun, notamment à Douaumont, au cours des opérations que menait le général Mangin. J’ai sous les yeux de curieux rapports de fin de campagne d’où ressortent avec une singulière netteté le fort et le faible des jeunes troupes que nous avions un peu hâtivement engagées, capables, néanmoins, d’un rude travail.


Dans l’attaque du 24 octobre, y lisons-nous, les troupes noires mises à la disposition du groupement D. E. (groupement Mangin) se composaient des 43e et 36e bataillons de tirailleurs sénégalais à quatre compagnies chacun et de deux compagnies de Somalis (2e et 4e) du 1er  bataillon de tirailleurs somalis.

L’un de ces bataillons, le 36e, avait été engagé le 4 septembre dans l’attaque des Carrières (1 200 mètres au Nord de Souville).

Le bataillon… avait disposé trois compagnies pour l’attaque. Une compagnie en soutien aux Carrières était chargée en outre de défendre les Carrières elles-mêmes. À sept heures, l’attaque s’est déclenchée. Les tirailleurs sont sortis des trous d’obus et ont marché exactement comme ils le faisaient à l’exercice. Mais la débandade a commencé dès que les premiers Roches affolés s’enfuyaient vers les Carrières. Plusieurs tirailleurs furent atteints par le feu de leurs camarades. Des scènes analogues continuèrent pendant toute la durée de l’assaut. Aucun prisonnier ne fut ramené à l’arrière et ils auraient pu être très nombreux.

Le tir de barrage terrible d’artillerie et le feu des mitrailleuses furent évidemment une des causes essentielles du repli des tirailleurs. Il y en eut cependant une autre : les Boches avaient fui devant eux. Ils avaient « gagné la bataille. Moi y a partir repos. » Voilà ce que répondaient beaucoup d’entre eux quand on les obligeait à s’arrêter aux Carrières. Certains groupes ont été vus autour de trous d’obus où se trouvaient plusieurs tués allemands, se faisant à eux-mêmes des commandements d’escrime à la baïonnette qu’ils exécutaient sous le feu ; c’était la danse de guerre après la victoire. D’autres lançaient des grenades dans des trous et se penchaient sur le bord pour voir l’effet de l’éclatement.

Il est évident qu’avec de vieux tirailleurs connaissant mieux le français, mieux instruits, ces faits ne se seraient pas produits et beaucoup de pertes auraient été évitées.

Une autre lacune de leur instruction était qu’ils n’avaient jamais