Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/829

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

personnelle, soit surtout l’histoire intellectuelle et morale de chacun de ces Maîtres français, en qui l’étranger ne demande pas mieux que de voir encore des éducateurs. À nous de dégager, avec une précision plus confiante, des textes exhumés, enrichis, purifiés par les érudits dont nous dépendons, tout ce qui est d’éléments contrôlés, de traits authentiques, par quoi puisse se compléter, avec le minimum d’hypothèse, le vrai portrait de nos grands hommes et le bilan définitif de leur apport à la pensée humaine.

Nous voudrions dans ce dessein parcourir la correspondance de Bossuet.

Malheureusement, de la première moitié de sa vie, — celle, justement, qui le plus peut-être nous attire, celle où sa personnalité se construit de matériaux fortuits ou d’acquêts voulus, — il reste bien peu de lettres par lui écrites ou reçues. Ces papiers de quarante-deux ans ne tiennent que les deux tiers d’un volume. Dès lors, si nous voulons faire ressortir le lien des idées éparses qui apparaissent seules dans la correspondance de cette période, — si nous voulons aussi préparer l’intelligence de la correspondance, bien plus abondante, postérieure à 1670, — force nous sera de recourir aux travaux critiques des enquêteurs modernes… Travaux fort variés du reste, enquêteurs singulièrement consciencieux, — n’ayant pas toujours le souci, tandis qu’ils fouillent autour de la grande statue, de n’en point égratigner le piédestal, — mais ayant toujours, ce qui est mieux, le souci de la vérité[1].


II. — LA PREMIÈRE LACUNE DE LA CORRESPONDANCE DE BOSSUET : BOSSUET JEUNE

Et voici la première lacune : antérieurement à la vingt-quatrième année de Bossuet, rien. Toute chance est-elle perdue de retrouver quelque chose ? On est bien tenté de le croire quand on voit, à chaque page de la collection nouvelle, les

  1. La littérature bossuétique, déjà riche des recherches de MM. Gandar, Gazier, Urbain, Levesque, Jovy, Strowski, Griselle et autres que nous citerons en leur lieu, s’est accrue récemment de deux biographies : celle de M. l’abbé Bremond, et celle, dont il a été parlé ici, de M. Dimier ; toutes deux originales, la première peut-être un peu trop. Mais c’est surtout la Revue Bossuet, publiée par M. l’abbé Levesque de 1900 à 1911 (en 8 volumes), qui nous soutiendra, pleine comme elle l’est de textes nouveaux.