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heureux d’être mort, oublié, en dehors des luttes à des discussions ! Si par mon intervention je pouvais empêcher certaines sottises, j’aurais des remords de mon repos ; mais comme je n’y puis rien, je me livre sans trouble à mon inclination.


A Madame de S'***

Pollone, 29 décembre 1871.

… Notre petit pays est en ce moment admirable. Les montagnes, ainsi que la plaine étendue à leurs pieds, sont toutes blanches, d’une blancheur pure, suave, fraîche autant que votre âme et plus que la verdure du printemps. Lorsque le soleil pose ses rayons sur ce voile de pudeur et de grâce dont s’enveloppe la terre, qu’il l’illumine et lui donne des teintes chastement brillantes, l’on rêve des demeures divines et l’on entend dans soi et dans l’air des accents ineffables. Sous un brouillard ces étendues blanches donneraient l’impression sinistre de l’inflexible, sous la lumière elles n’expriment plus que la sérénité paisible de l’infini. Aussi la pensée se maintient-elle naturellement en haut sans fatigue et sans effort. Et dans quel temps cela fut-il plus nécessaire ?

Je demande au Dieu tout-puissant et tout miséricordieux de vous combler de ses dons pendant l’année nouvelle, pour vous et pour cette jeune plante qui mêle ses parfums aux vôtres ; pour la mère vaillante, image en tout de la femme forte de Salomon ; pour cette sœur, grandie à vos rôles, dont la vivacité s’unit à votre douceur comme la fleur rose du laurier s’unit au feuillage vert. Que vos heures se poussent les unes les autres comme la vague pousse la vague aux jours de calme, d’un mouvement égal, continu, harmonieux, et que le souvenir fidèle que vous gardez aux êtres chers, déjà partis, vous donne la grâce de ne pas connaître en cette prochaine année l’angoisse des séparations dernières.


A Madame de S***.

Pollone, 18 janvier 1872.

Je m’oppose a ce que nos lettres dégénèrent en discussions politiques. Cependant, hélas ! laissez-moi vous dire une chose. L’Empereur est détesté, ou, du moins, n’a plus aucun