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de ses fidèles alliés. On entend ces mots : « … La force des armées allemandes est brisée… Nous ne nous faisons point d’illusion sur l’étendue de notre défaite, sur le degré de notre impuissance. Nous connaissons la puissance de la haine que nous rencontrons ici… » Ainsi l’aveu de la défaite est aussitôt suivi d’une manifestation très germanique. En effet, qui ne sait que l’Allemand a toujours mis une espèce de point d’honneur et de gloriole à se proclamer haï de tout l’univers ? C’était une des forfanteries de Bismarck…

Or, si l’on regarde la physionomie de ceux qui, dans cette salle, entendent tour à tour, en allemand, en français, en anglais, cet écho de la phraséologie bismarckienne, où trouve-t-on l’expression de cette haine dont parle l’envoyé d’Ebert et de Scheidemann ? Voici les délégués belges, dont la patrie a été ensanglantée, ruinée, pendant près de cinq ans, par l’Allemagne, violatrice des traités : l’un d’eux, M. Vandervelde, en présence de ses collègues, Mme Paul Hymans et Van den Heuvel, demandait à la Conférence de la paix, réunie en séance plénière, le 14 avril dernier, que les Allemands fussent admis le plus tôt possible, après la signature du nouveau traité, au Congrès international du Travail, à Washington ! Voici M. Pachitch, patriarche de la Serbie en deuil, et nos hommes d’État, chargés des justes revendications de notre France, qui est fière de sa victoire, mais qui pleure, hélas ! sur dix-sept cent mille tombeaux. Ces hommes ont le visage empreint d’une gravité attristée, où se mêle l’austère satisfaction que donne à leur conscience le sentiment d’un devoir de justice à remplir sans faiblesse. Lequel d’entre eux, en vérité, respire cette fureur de haine ? N’en trouve-t-on pas plutôt l’expression visible à des signes certains, dans le ton de cette diatribe savamment étudiée, mais vraiment trop connue, qui nous répète, une fois de plus, les récriminations souvent adressées, même en temps de paix, à la France pacifique par l’Allemagne belliqueuse, provocante, agressive ?

M. de Brockdorff-Rantzau reprend ses argumentations en allemand. C’est d’abord un essai de plaidoyer en faveur du peuple allemand qui, dit-il, « était convaincu qu’il menait une guerre défensive. » Tandis que le ministre des Affaires étrangères de l’Empire socialiste d’Allemagne, naguère encore ministre impérial en Danemark, où il fit fermer impérieusement, malgré la neutralité danoise, les détroits de la Baltique, s’efforce de faire retomber sur ce qu’il appelle « l’impérialisme de tous les États européens » et la « politique de revanche » toutes les responsabilités d’une « maladie » qui aurait « empoisonné