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C’est alors que le président de cette assemblée d’hommes d’État et de chefs de peuples, M. Clemenceau, ayant à sa droite M. Wilson, président des États-Unis d’Amérique, à sa gauche M. Lloyd George, premier ministre du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande, autour de lui les représentants des puissances alliées et le maréchal Foch, commandant en chef des armées victorieuses, prononce, debout, dans un silence chargé d’émotions et de souvenirs, les paroles attendues. Sa voix est brève, nette, son débit est rapide, son accent est aussi ferme que pénétrant. On le sent saisi jusqu’au fond de l’âme par la poignante gravité de cette minute, par la dramatique portée de cette échéance qu’en des jours critiques il n’espérait, peut-être pas si proche et si conforme aux arrêts de l’éternelle justice.

Ce n’est ni le temps ni le lieu des longs discours. Il s’agit d’un règlement de compte. Ce compte, ouvert de peuple à peuple, est terriblement lourd. Il sera payé. Les conditions de la paix demandée par l’Allemagne sont inscrites dans un livre qui sera remis tout à l’heure au chef de la délégation allemande. La procédure adoptée pour les observations relatives à ces conditions ne comportera pas de discussions verbales. Les observations devront être présentées par écrit. Les représentants des puissances alliées et associées ne sauraient admettre aucune discussion sur leur droit de maintenir les conditions de fond de la paix telles qu’elles ont été arrêtées. Ils ne pourraient prendre en considération que les suggestions d’ordre pratique que les plénipotentiaires allemands pourraient avoir à leur soumettre. Telle est la pensée clairement indiquée, sous des formes polies, par M. Clemenceau, président de la Conférence de la Paix.

M. Clemenceau résume son allocution en ces termes : « Ce volume, que va vous remettre M. le secrétaire général de la Conférence, vous dira quelles conditions nous avons déterminées. Pour étudier ce texte, toutes facilités vous seront nécessairement accordées, sans parler des procédures de courtoisie qui sont d’usage chez tous les peuples civilisés. »

En écoutant cette allocution, et tandis qu’elle est traduite successivement en anglais et en allemand par Mme Mantoux et Laperche, officiers interprètes, les délégués ennemis sont immobiles et s’efforcent de paraître impassibles. M. de Brockdorff-Rantzau est assis à peu près au milieu de leur table, ayant à sa droite le Reichsjustizminister, Otto Landsberg, l’Oberburgermeister Leinert, le banquier Melchior, à sa gauche le ministre Johann Giesberts, député d’Essen au Reichstag, et le docteur Walter Schücking, professeur de droit public