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Europe cet office de régulateur qu’on voudrait attribuer aujourd’hui à la « Société des Nations. » L’avenir seul montrera s’il présentait moins de garanties pour le maintien de la paix.

Tandis que Talleyrand annonçait son intention sincère de le défendre, les Alliés de Chaumont ne l’avaient proclamé que pour servir des intérêts égoïstes. Peut-être d’ailleurs seraient-ils parvenus, en raison de leur prépondérance, à imposer leurs vues, s’ils n’avaient été eux-mêmes profondément divisés. Ils ne s’étaient entendus à Paris que contre un retour offensif de la France, en plaçant sur ses flancs un Royaume des Pays-Bas grossi de la Belgique, une Suisse neutralisée, un Piémont agrandi de Gênes, avec l’Autriche comme arrière-garde ; mais leurs ambitions particulières devaient se heurter sur la plupart des autres questions territoriales à résoudre.

Pour empêcher ces divergences de vues de dégénérer en onflit, les Alliés de Chaumont auraient eu intérêt à consentir dès le début aux sacrifices auxquels ils devaient se résigner par la suite, à aborder avec décision les questions en litige, pour les trancher avec promptitude par des concessions réciproques : ils se seraient ainsi présentés au Congrès avec un programme commun, auquel Talleyrand n’aurait eu qu’à souscrire. Faute de résolution, ils préférèrent suivre d’autres voies. Eviter de s’expliquer dans l’illusion de mieux arriver à s’entendre, effleurer tous les problèmes sans les résoudre, ajourner au lendemain ou laisser au hasard la solution des plus importants, placer au premier plan ceux dont l’étude devait couronner et non inaugurer leurs travaux, telles furent les méthodes dilatoires par lesquelles ils se flattèrent longtemps de tromper à la fois l’activité du Congrès et l’attente du public. Tandis que le pays vaincu allait en profiter pour prendre une revanche diplomatique de ses désastres militaires, l’opinion devait s’en montrer profondément découragée.


III

Les Viennois croyaient en septembre, sur la fois d’un propos prêté à Metternich, que le Congrès serait aussitôt convoqué et terminerait ses opérations en quatre semaines. Leur confiance reçut de sérieuses atteintes quand ils en virent l’ouverture nominale reportée du 1er octobre au 1er novembre ; quand ils