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Ils s’y entraînèrent les mois qui suivirent, et l’année 1916 ne s’acheva pas sans que le nouvel armement de notre infanterie eût fait ses preuves.

Ce fut au cours de belles opérations menées devant Verdun. Les Allemands n’avaient pas cessé tout à fait de menacer la place forte (attaques vers Souville les 11 juillet, 1er août, 3 septembre). Le 24 octobre et le 2 novembre 1916, l’armée française les chassa des forts de Douaumont et de Vaux et les repoussa le 16 décembre à peu près jusqu’aux lignes d’où ils s’étaient élancés dix mois plus tôt : de ce jour la France put vraiment dénommer « victoire de Verdun » la longue bataille.

Ce qui fit l’originalité et la beauté de cette triple opération devant Verdun, c’est qu’on y essaya et qu’on y mit au point une réplique à la méthode de défensive inaugurée par les Allemands sur la Somme.

Puisqu’ils avaient imaginé de se défendre dans des organisations que l’artillerie ne put repérer et détruire avant l’assaut, le problème était de prolonger l’action de l’artillerie pendant l’assaut ; et, comme il est impossible de régler la liaison de l’artillerie et de l’infanterie tandis que le combat se déroule, on imagina de l’organiser d’avance dans le temps, par une sorte d’à priori, en établissant un horaire que suivraient pareillement les artilleurs et les fantassins : c’est le principe du « barrage roulant. »

Cette invention, toute française, consiste à abattre, à l’instant de l’assaut, à 200 mètres en avant de la troupe d’infanterie qui attaque, un barrage aussi dense que possible d’obus d’artillerie de campagne. Ce rideau de feu, chronométré à l’avance, se met en marche à la même seconde que la vague d’assaut ; il progresse à l’allure qu’a convenu de prendre l’infanterie ; l’infanterie le suit au plus près[1].

  1. Les premiers tirs de barrage roulant progressif furent exécutés dès juillet 1916 devant Verdun, mais c’est seulement à partir d’octobre que le procéda fut généralisé et appliqué sur de larges fronts. — Nous n’indiquons ici que le principe du système. Dans la pratique, comme il arrive qu’à l’insu de l’artillerie quelque incident de combat arrête la marche de l’infanterie tandis que le tir de barrage poursuit la sienne, il faut convenir à l’avance qu’on s’arrêtera à telle minute, sur telle ligne ; après l’arrêt, le barrage reprend sa progression, soit à une heure convenue elle aussi à l’avance, soit sur une demande faite par l’infanterie pendant l’arrêt, etc.