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A l’endroit où la crête de Wytschaete se soude à ce long promontoire de Lindenhoeck qui descend du Kemmel, se trouve un moulin, le moulin de Spanbroeck. On sent l’importance de ce point.

Tout ce massif boisé, aéré et un peu sauvage tranche vivement sur l’ensemble de la contrée environnante. Il domine cette grande plaine agricole et manufacturière, les cultures, les fermes, les usines d’Armentières et de Lille, comme un être d’une autre espèce géologique ; il forme, sur le terre à terre de cette grande fourmilière, un élément de poésie. C’est un grain de musc qui parfume le potager des Flandres. Ce tertre modeste occupe les imaginations ; il est devenu, sous le chaume méfiant des fermes du plat pays, le thème d’un folklore rustique. Sa forme familière, comme celle des vieilles ruines, — et qui n’est, en effet, qu’une ruine de la nature, — est enveloppée de légendes. C’est là que s’est tenu, au temps des Gueux, le premier proche. De nos jours la montagne s’est peuplée de villas : les charmants villages de Locre, de Dranoutre, de Kemmel, étaient un rendez-vous dans la belle saison. Les Anglais y avaient construit quelques observatoires, au temps où leurs lignes passaient au pied de la crête des Flandres ; leurs cavaliers avaient donné à chaque coin des noms de Hyde Park, de Cheapside, de Daylight Corner, géographie de sentiment qui se superpose à l’autre. De ce belvédère, on découvre à ses pieds, comme sur la carte, tout le panorama des Flandres depuis Lille, toute proche, et les flèches de Courtrai, jusqu’au phare de Dunkerque et au clocher d’Ostende. Le roi Albert, pendant les longueurs mélancoliques de son exil, aimait, roi sans royaume, à contempler de là-haut la vision, le doux fantôme de la patrie.

Nos lignes, depuis la perte de Wytschaete, passent par Dranoutre, longent par le Sud le pied du Kemmel et dominent en balcon la vallée de la Douve, le long de cette arête de Lindenhoeck que je viens de décrire. Nous tenons donc la ligne di changement des basses pentes du Kemmel et la crête militaire de l’arête de Lindenhoeck, jusqu’à 200 mètres au Nord du moulin de Spanbroeck ou subsistent les traces d’une puissante guerre de mines. Nos positions traversent perpendiculairement les anciennes organisations britanniques face à la crête de Messines. Mais ce champ de bataille, lors de l’avance anglaise de 1917, était devenu camp de repos ; il en reste un tas de