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Après l’angoisse des premiers jours, on respire. Mais la partie n’est pas finie : cette accalmie dans la bataille ne peut être qu’une éclaircie. Foch sait bien que les Allemands n’en resteront pas là ; leurs dernières tentatives n’étaient que des coups de sonde, ils reviendront en force et ne vont pas pour si peu se tenir pour battus. Mais on ne juge bien que sur place. Foch, les 16 et 17 avril, passe deux jours à Blandecques, au quartier général du général Plumer ; il a vu le roi des Belges et le général Gillain à Houthem. Il a retrouvé, lui aussi, ce pays bien connu, ses anciens compagnons, ses amis de l’Yser.

Comme alors, son parti est pris. Il ne s’est pas alarmé de la poche créée par les Allemands, — c’est un trou dans les parties molles qui ne tire pas à conséquence, — mais un pas de plu » risquerait de faire lésion dans des organes vitaux : sur la route de Calais ou dans la région des mines, il n’y a plus de terrain à perdre. Donc, c’est « la défense pied à pied du territoire qui est à réaliser. » En une page, dans un de ces ordres d’une densité de sens extraordinaire qui le caractérisent, Foch en trace le programme : organisation de lignes défensives répétées, action de l’artillerie lourde, répartition des troupes et des batteries en profondeur ; la dernière énergie dans toute la défense.

En bon français, ceci veut dire : se défendre en attaquant. Le moment n’est pas venu de passer à l’offensive. Mais une défensive passive ne mène à rien. Il faut menacer l’ennemi, l’inquiéter, le contraindre à dépenser ses forces, le fixer à son tour. Si c’est un calcul des Allemands de nous avoir attirés dans le Nord, nous l’empêcherons inversement par notre attitude agressive de se retourner ailleurs. Au point de vue local, s’il s’agit de la défense des monts, la seule façon de les conserver est de les défendre en avant : il est donc essentiel de nous élargir à la base et de reprendre les points d’appui qui écarteront l’ennemi à bonne distance des hauteurs. Ainsi nous reprendrons l’ascendant, nous rendrons à l’ennemi la tâche difficile et nous ferons si bien qu’il s’en dégoûtera. De toute façon, ce résultat ne peut être atteint qu’en redoublant d’activité : ne pas laisser à l’adversaire un moment de repos, l’empêcher de préparer de nouvelles attaques, lui contester tout le temps les avantages acquis, lui faire une guerre de chicanes et l’user, en attendant mieux.

Ce n’est pas pour autre chose que Foch s’est décidé à distraire