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pendant l’assaut l’artillerie d’accompagnement à l’infanterie. En réalité, dans le combat, chaque régiment mène, après le départ de l’assaut, une attaque séparée. Son chef est responsable du succès ou de l’insuccès ; il voit sur place les difficultés ; il doit avoir en mains les moyens de les vaincre. L’artillerie qui travaille sur son front constitue le plus puissant de ces moyens : elle doit donc être à son entière disposition ; à lui de définir ses objectifs, à lui de prescrire ses changements de positions.

Grâce à ces perfectionnements, au lieu qu’on professait encore quelques mois plus tôt, presque officiellement, que « la série des épouvantables défenses ennemies, la troupe d’assaut doit l’avaler d’un seul coup, d’une seule résolution[1], » sur la Somme, au contraire, la troupe d’assaut put atteindre ses objectifs sans avoir dépensé trop de sang et de force nerveuse, et par suite il fut possible de la maintenir en ligne pour un second, pour un troisième effort, analogues au premier, qu’on lui demandait après des pauses de quelques jours, lorsque l’artillerie avait achevé devant elle un second, un troisième travail de destruction.

Telles furent, à la bataille de la Somme, la doctrine et la méthode. On en sait les splendides résultats. « Verdun dégagé, vingt-cinq villages reconquis, 3 5000 Allemands faits prisonniers, 150 canons pris, les lignes successives, de l’ennemi enfoncées sur dix kilomètres de profondeur[2], » ces avantages s’ajoutaient à des avantages anglais presque équivalents ; — et surtout, l’armée allemande et la nation allemande furent violemment ébranlées par la longueur et la dureté de la bataille. L’ennemi, inquiété dans le même temps sur son front oriental, faillit, à la fin des opérations sur la Somme, demander la paix.

S’il se reprit pourtant, c’est qu’il avait réussi, par les mesures de recrutement les plus énergiques, à renforcer soudainement ses armées de plus de cinq cent mille hommes ; c’est aussi qu’il avait su découvrir et mettre au point, au cours même de la bataille, une nouvelle méthode défensive, propre à le garer.

  1. Étude sur l’attaque dans la période actuelle de la guerre, par André Laffargue (travail composé au lendemain d° la bataille d’Artois en mai-juin 1915, et communiqué aux armées par ordre du général en chef en octobre 1915)
  2. Ordre du jour du général Joffre, du 29 septembre 1916.