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pouvoir tenir, à cause de ses pertes et de la pénurie des réserves anglaises, propose d’évacuer le saillant d’Ypres pour se créer quelques ressources. En outre, il lui faudrait quatre divisions françaises pour relever les siennes. Foch répond au contraire qu’on tient là où l’on est ; qu’une poche dans nos lignes est un accident sans gravité tant qu’on garde solidement les flancs ; mais un recul volontaire serait une imprudence : l’ennemi n’y verrait qu’un aveu de faiblesse, qui ne ferait que le rendre encore plus entreprenant. Du reste, la bataille défensive doit se conduire dans un esprit de stricte économie ; une relève immobilise à la fois les troupes de relève et les troupes relevées : ce n’est pas le moment, quand les réserves alliées sont à peine suffisantes. Tout ce qu’on a de troupes fraîches doit être gardé pour la bataille. Toute dépense superficie ferait le jeu de l’adversaire qui ne peut souhaiter que de nous user. Il faut le contraindre au contraire à s’user lui-même sans résultat, en lui vendant le plus cher possible le terrain, et en tenant à tout prix, à coups de munitions, sans lui offrir en proie que le minimum de nos forces vives.

Il est clair qu’en toute cette affaire Foch entend demeurer son maître, ne pas se laisser manœuvrer. Il observe attentivement ce qui se passe sur la Lys, sans se laisser distraire de ce qui peut se passer sur la Somme ou sur l’Oise. Cette attaque dans les Flandres, quand l’adversaire est engagé à fond dans une action de première grandeur avec le dessein avoué d’une décision immédiate, lui parait à bon droit suspecte. Sans doute l’ennemi n’entend livrer qu’une bataille de fixation : il veut faire diversion, aspirer nos réserves, tirer dans le Nord le signal d’alarme, tandis qu’il médite son véritable coup dans une autre direction. Peut-être les critiques allemands tireront-ils avantage de la circonspection de Foch et de sa prudence, qu’ils prendront pour de l’irrésolution. Ils n’y ont pas manqué, en effet, dans leur presse. Mais on voit aujourd’hui lequel des deux adversaires était dans l’embarras. C’est un jeu médiocre, à la guerre, d’éluder la crise par des feintes et de s’amuser, quand il s’agit de battre l’ennemi, à lui proposer des énigmes.

Cependant, le gros des forces françaises (Vme et Xme armées) se trouvait massé le 9 avril dans la région de Beauvais, prêt à intervenir soit en direction d’Arras, soit en direction de Compiègne. Foch, à tout événement, se borne, le 10 avril, à donner