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avec ses vieilles places de Boulogne, de Montreuil, de Saint-Pol, de Doullens ; au Nord, c’est une chaîne isolée, constituée par une file de collines appelées les Monts de Flandre et qui sont, d’Est en Ouest, le Kemmel, le Mont Rouge, le Mont Noir, le mont Vidaigne, le Mont des Cats, reconnaissable au clocher de sa Trappe, et enfin la grande butte qui porte à son sommet comme une aigrette la charmante petite ville espagnole de Cassel. Cette chaîne singulière, d’un aspect romantique, et qui allait prendre une si grande importance dans la bataille, est un débris du grand plateau artésien, dont elle formait jadis le rebord septentrional, avant d’en être séparée par le cours des événements géologiques.

Quand on se place sur un des points qui constituent cette longue arête, on aperçoit d’abord celle enfilade de hauteurs, puis à droite, c’est-à-dire vers le Sud-Ouest, un large massif sombre, qui est la forêt de Nieppe ; ce qu’on devine tout au fond, comme une ligne bleue tracée du pinceau le plus fin au bout de l’horizon, c’est le biseau de la falaise de Vimy, c’est-à-dire les premiers mouvements de l’Artois. Entre ces contours, la plaine que traversent la Clarence et la Lys s’étend comme un golfe limité par un double musoir : en effet, la mer autrefois s’est creusé cette conque. Mais la plaine qui l’a remplacée est déjà une très vieille plaine et non pas, comme au Nord des Monts, une plage formée d’alluvions récentes ; c’est une terre émergée depuis un grand nombre de siècles, où ont eu le temps de se produire une foule de tassements, de rides, de plissements. Le relief dans cette molle argile, et surtout vers les Monts, est assez compliqué. Le sol, dans les parties basses, est aqueux, lymphatique, coupé de cent cours d’eau, de fossés, de haies vives qui le rendent, pour une armée, fort malaisément praticable ; la moindre averse délaie en boue ces terres grasses. Les rivières y constituent un obstacle permanent pour les ravitaillements. C’est sur ce terrain détestable que l’armée du Kronprinz de Bavière progressait. Les correspondants de guerre allemands célèbrent, non sans raison, cet exploit comme un tour de force. Il faut ajouter qu’une nouvelle immersion, qui a suivi la première apparition du sol, a laissé sur le pays une couche de sable ; cette nappe a disparu de la plaine cultivée, mais elle subsiste sur les hauteurs. Lorsque les Anglais arrivèrent sur la crête de Passchendaële, venant de la plaine