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qui tressait en une seule gerbe les fleurs dont les partants l’ont comblée :

— Nous les consacrerons aux morts de Collège Hill, me dit-elle.

Collège Hill est un petit promontoire herbeux, dressé à l’issue de la ville, sur un des souples bras de mer qui enserrent Annapolis de leur fluide étreinte. Un monument funéraire le couronne, — une large stèle de pierre blanche dans laquelle est encastré un bas-relief de bronze représentant une jeune fille debout entre un soldat et un marin couchés, à qui elle tend des palmes. Derrière elle, dans le fond, des gardes françaises défilent, le mousquet sur l’épaule. La dédicace porte : « En tribut de gratitude aux vaillants soldats et marins de France qui tombèrent en ce lieu pour l’indépendance de l’Amérique. Puisse la mémoire de leurs exploits se perpétuer à jamais ! » Au pied de la stèle règne un banc semi-circulaire où, les soirs d’été, des amiraux, des commodores en retraite ont coutume de venir humer, dans la fraîcheur saline, l’arôme affaibli de leurs anciennes navigations. Nous y avons pieusement déposé notre offrande florale, en associant à cet hommage envers la France d’il y a cent quarante ans la pensée de la France d’aujourd’hui avec qui l’Amérique va combattre à son tour, et, cette fois, pour l’indépendance du monde.


A. LE BRAZ