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loin s’embraser ou s’éteindre ; et quand revenus de Verdun, — le devoir fait. — ils se reformaient à l’arrière, voici que dans leurs lointains cantonnements de repos les communiqués quotidiens, leur répétant durant des semaines les mêmes noms, leur apprenaient qu’aux mêmes lieux où ils avaient tenu, d’autres régiments, et d’autres encore, tenaient toujours.

Par là tous les fantassins jusqu’au dernier apprirent, non plus comme une vérité d’ouï-dire, mais comme une vivante vérité d’expérience personnelle, ce que seul jusque-là, le Haut Commandement avait su : que la plupart des régiments de France étaient beaux de la même beauté. La bataille de Verdun avait découvert à l’infanterie française l’infanterie française. et ce qu’elle avait révélé au Haut Commandement, c’est que la limite d’endurance du fantassin devait être cherchée bien plus loin qu’il avait cru jusqu’alors.

Mais vers qui doit en remonter la louange, sinon de préférence vers ces quelques régiments du 1er corps et du 20e corps, qui, débarqués devant Verdun dans la nuit du 24 au 25 février, lancés par les champs couverts de neige à la rencontre de l’ennemi, combattirent en des conditions qui semblaient désespérées et imposèrent à ceux qui devaient venir après eux la leçon de leur exemple ? Si ces premiers régiments avaient cédé, ils n’auraient pas failli aux lois de l’honneur militaire ; tout autre régiment venu après eux, s’il avait cédé, aurait cru y faillir : les combattants dus premiers combats avaient reculé les bornes de ces lois sublimes.

C’est donc plus consciente d’elle-même que l’infanterie française, à peine retirée de Verdun, provoquera l’ennemi à une autre bataille.

Ce fut pour lui la pire surprise quand il vit sur la Somme, le 1er juillet 1916, c’est-à-dire au jour depuis quatre mois arrêté par nous, nos divisions se déployer sur un large front en liaison avec les divisions anglaises.

Comment était-ce possible, au lendemain de la saignée de Verdun, ou plutôt au fort même de cette saignée ? Car les Allemands poursuivaient devant la forteresse leur entreprise d’usure ; et n’avaient-ils pas, la semaine d’avant encore, le 23 juin, lancé sur Thiaumont, Froideterre et Souville les attaques les plus forcenées ? et ne devaient-ils pas à bon droit nous croire plus épuisés qu’eux-mêmes, puisqu’ils avaient en