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déterminés par la guerre, — tels, les éclairages voulus par les attaques et les défenses nocturnes, — et que les actes nouveaux et figuratifs du combat, — tel, le lancement de la grenade, — aient inspiré si peu de peintres : c’est, là, une surprise pour tous et un regret. C’est peut-être simplement parce que les témoins, le plus souvent étant des acteurs, ils n’ont pas encore eu le loisir de transposer, en des expressions d’art, leurs impressions de combat. En tout cas, jusqu’ici, le produit est nul. Les beaux gestes du grenadier en action, celui de la main gauche qui vise et celui de la main droite qui lance, avec toutes les altitudes successives déterminées par le mouvement giratoire de cette fronde humaine, autour de l’axe ainsi formé par les deux bras tendus, pouvaient donner au sculpteur l’équivalent du Lutteur Borghèse et du Discobole. Or, ils n’ont jusqu’ici inspiré qu’un essai, qui n’en est guère digne. De même, les effets de pyrotechnie multicolore, dans les bombardements de nuit ou au-dessus du no man’s land, qui dépassent tout ce que Whistler a pu apercevoir dans ses feux d’artifice, n’ont rien dicté d’intéressant depuis les deux ou trois essais de M. Joseph Communal. Les projections au-dessus de Paris, durant les nuits tragiques, avec cette bataille de rayons qui semblaient des glaives lumineux, la pointe tournée vers la ville, n’ont dicté qu’un tableau, celui de M. Iwill. Les éclairages voilés des crépuscules de ces dernières années, générateurs d’effets si neufs et si subtils, ne sont étudiés que dans un pastel : Paris voué au bleu, de M. Emile Clavel. Les intérieurs de cagnas, où le peintre de guerre pourrait déployer toute sa science de clair-obscur et restituer au vrai le laboratoire du docteur Faust, sont encore à peu près inexplorés.

Seules, les physionomies si caractéristiques du « poilu » et du « tommy » ont trouvé leurs interprètes. Déjà, les croquis de M. Le Blant, de M. Bruyer, de l’héroïque Ricardo Florès nous en avaient révélé quelque chose. Voici deux œuvres, au Salon des Artistes français, qui les burinent d’un trait précis, sobre et sûr : les Troupes écossaises revenant du combat, Somme, juillet 1916, de M. Flameng et les Vainqueurs, de M. G. Paul Leroux. Elles offrent une singulière analogie. Dans les deux, c’est le même moment qui est choisi : le retour, et toutes les deux se développent en longueur, les figures se suivant une à une, ou deux à deux, de profil, comme des bas-reliefs sur la