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LES « SALONS » DE 1919
ET
L'ART DE SE FAIRE PEINDRE

Comme un convalescent, jour par jour et à mesure que ses forces reviennent, s’essaie à refaire les gestes et à s’appliquer aux besognes d’avant la maladie, Paris reprend ses habitudes et sa vie d’avant la guerre. Il le fait, sans doute, avec des tâtonnements, des hésitations, des demi-mesures, où l’on sent cette défiance de ses propres forces qui suit une crise violente ou une longue torpeur, mais aussi avec le désir bien marqué de renouer, au point précis où il l’a quittée, la chaîne interrompue de ses devoirs et de ses plaisirs. Il ne change même rien à ses rites, parmi lesquels un des plus inéluctables et des plus solennels est assurément le Salon. De mémoire d’homme et même de plusieurs générations d’hommes, on n’imagine pas le printemps, à Paris, sans le Salon. On l’imagine très aisément sans soleil, sans feuilles, sans (leurs, — non sans peinture. La neige peut tomber, les fruits geler, la bourrasque faire rage : le Salon s’ouvre. Il y a cent ans, il s’ouvrait le 24 avril, comme aujourd’hui. Il a fallu l’inexplicable cataclysme et le stupéfiant hourvari d’une guerre mondiale pour interrompre, pendant quatre ans, une routine aussi vénérable. Cela ne s’était, même aux plus mauvais jours de la Terreur, jamais vu. Pareillement, toutes les idées sur l’Art ont pu changer, les dieux anciens être renversés, de nouvelles idoles promues, des écoles modernes