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retouches reconnues indispensables. La paix sera nécessairement suivie d’une courte période de troubles et de l’explosion d’un mécontentement général ; car tous les peuples se croiront lésés ou insuffisamment favorisés. Ils auront quelques semaines pour maudire leurs juges ; mais les passions nationales s’apaiseront sous l’action du besoin impérieux de vivre, de travailler, d’échanger ; alors s’opéreront les rapprochements que les intérêts indiquent. L’éminent président de la République Tchéco-Slovaque M. Masaryk répondait, au commencement de février dernier, à un journaliste qui lui demandait son opinion sur l’éventualité d’une fédération danubienne : « Pour le moment, il ne peut s’agir que d’une confédération économique ; l’histoire présente cependant des exemples de confédération économique transformée en confédération politique. Les conditions d’une confédération danubienne sont d’abord la liquidation juste de l’ancienne Autriche. On verra, pendant cette liquidation, quel fond on peut faire sur les différents groupes. Une solution juste des problèmes qu’implique lu liquidation de l’ancienne Autriche constituerait une base concrète de pourparlers en vue d’une semblable fédération. » Quand se posera pratiquement le problème dont M, Masaryk discerne si justement les éléments, l’Italie, rassérénée par la paix, aura compris qu’il n’y a pour elle, comme pour toute l’Europe Centrale, qu’un seul péril, c’est, non pas l’impossible résurrection de l’Autriche ancienne, mais la constitution d’une grande Allemagne unifiée dont Berlin, Munich et Vienne seraient les capitales et qui, du haut des Alpes, tendrait d’un effort inlassable vers Trieste et l’Adriatique.

Il faut sérier les questions. L’effort de la France et de ses alliés vainqueurs doit aboutir d’abord à établir les quatre maîtres piliers de l’Europe Centrale : Tchécoslovaquie, Pologne, Yougo-SIavie, Roumaine, à les consolider, à les lier ensemble pour les rendre solidaires et accroître leur capacité de résistance. La nouvelle Autriche républicaine et la République Magyare viendront alors d’elles-mêmes chercher leur place dans l’édifice reconstitué sur de nouvelles assises.


RENE PINON.