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leur langue, leurs mœurs et leurs si pittoresques costumes ; jusqu’aux portes de Pest, jusque sur la rive droite du Danube, on trouve de ces petits groupes. Dans l’ensemble, le Magyar est l’homme des grands plaines, le cavalier de la Puzta, tandis que le Slovaque est un montagnard ; comme tous ses pareils, il descend, surtout pendant l’hiver, chercher du travail dans les villes, ou bien il émigré ; nombreux sont les Slovaques qui, chaque année, allaient demander aux États-Unis la liberté et la fortune. D’après les statistiques hongroises, il y aurait en Hongrie un peu moins de 2 millions de Slovaques. Il n’est pas douteux, pour qui connaît les procédés de l’administration dans ce pays, qu’il ne faille majorer ces chiffres : on peut estimer à 2 500 000 le nombre des Slovaques vivant en groupe compact en Slovaquie, à 400 000 le nombre de ceux qui sont répandus dans toute la Hongrie, notamment à Budapest où ils sont plus de 100 000 ; à 100 000 le nombre de ceux qui, en Amérique, ont gardé leur langue et le souvenir de leur petite patrie.

La résurrection du sentiment national s’est produite, chez les Slovaques, en même temps que chez les Tchèques ; Palacky lui-même était Slovaque d’origine, ainsi d’ailleurs que le fameux patriote hongrois Louis Kossuth. Les noms des Slovaques Kotlar et Saffarik sont étroitement associés à l’œuvre de la renaissance linguistique et nationale tchèque et slovaque. Mais, chez les Slovaques, le mouvement a été plus lent et n’a entraîné qu’une élite. La masse du peuple est restée très en retard sur les Tchèques, car les Hongrois s’appliquaient à lui refuser des écoles nationales et à la tenir éloignée de la vie politique. Une longue oppression sociale et politique a brisé les ressorts d’énergie et de volonté de ce peuple qui a toujours obéi à des maîtres étrangers : ceux-ci n’ont jamais cherché à développer ses aptitudes remarquables, son goût pour les arts et la finesse de son esprit. Au Parlement de Budapest, les Slovaques n’ont jamais eu qu’une représentation hors de proportion avec leur nombre : par d’incroyables moyens de pression et de fraude, sur lesquels les livres de M. Seaton Walson (Scolus viator) nous ont édifiés, les Magyars réussissaient à empêcher les candidats nationaux Slovaques d’être jamais élus. Comment les Magyars s’étonneraient-ils que les Slovaques aient cherché chez leurs frères Tchèques de Bohême et de Moravie l’appui moral