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d’ailleurs à accorder aux Allemands toute garanties légitimes ; la langue des minorités sera admise partout ; la Bohème sera un État bilingue ; les Allemands pourront avoir leurs écoles, leurs tribunaux : ils jouiront des mêmes droits que les Tchèques. Au moment de la révolution de novembre, les Tchèques ont déjà montré comment ils entendent la pratique et le respect des droits des autres nationalités et les journaux allemands l’ont reconnu. Pendant les trop longs mois qui se sont écoulés depuis l’armistice, l’occupation des régions allemandes par les troupes tchèques n’a pas été sans quelques violences ou vexations ; la propagande allemande n’est pas restée inactive, si bien que les esprits s’échauffent et que les rancunes s’exaspèrent. Il est temps de donner à la Bohème un statut définitif, de rassurer à la fois les Tchèques sur l’intégrité de leur État et les Allemands sur les garanties auxquelles ils ont droit. L’intérêt fera le reste. Une partie des Allemands émigrera sans doute, tandis que les Tchèques, plus prolifiques, cesseront d’aller en Amérique, et la proportion des Slaves ne tardera pas à s’accroître même dans les districts aujourd’hui allemands.

La Bohème est un tout géographique et économique ; elle formera un tout national avec la Moravie et la Slovaquie. Les Slovaques et les Tchèques ne sont qu’un seul et même peuple parlant deux dialectes d’une même langue, mais l’histoire et la politique les avaient depuis longtemps séparés. Depuis l’an 1025, les Slovaques sont enchaînés aux destinées des Magyars qui, à la fin du IXe siècle, les avaient rejetés dans les montagnes de la Taira et des Carpathes. C’est là que la renaissance de la nationalité tchécoslovaque, au XIXe siècle, les a trouvés. Leur domaine a, en gros, pour frontières la Morava, sur laquelle ils se mêlent aux Tchèques de Moravie, au Nord la crête des Carpathes, c’est-à-dire l’ancienne frontière entre la Galicie et la Hongrie ; au Sud et au Sud-Est, la frontière est plus indécise ; les Slovaques atteignent le Danube entre Presbourg et Comorn ; d’une façon générale, ils occupent la montagne et les Magyars la plaine et les villes. A l’extrême Est le cours de l’Ung sépare les Slovaques du groupe des Ruthènes de Hongrie. Ni la persécution ni la propagande la plus acharnée par l’école et l’administration n’ont pu réussir à vaincre la résistance des montagnards. Même les îlots slovaques qui ont subsisté dans l’Alfœld, isolés en plaine au milieu des populations magyares, ont gardé