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ministres d’Etat, aussitôt après leur entrée en fonctions, étaient nommés membres du Conseil de l’Empire, je ne fis partie de cette assemblée que deux ans plus tard, car ma candidature était combattue auprès de l’Empereur par les réactionnaires et ne finit par triompher qu’à la suite d’une intervention énergique de M. Stolypine ; j’entrai au Conseil de l’Empire en même temps que mon frère, et tous deux nous y renforçâmes le parti du centre.


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Ainsi qu’il fallait s’y attendre, dès ses premières séances, la Douma, non contente d’adopter une altitude violemment hostile vis-à-vis du gouvernement, accusa nettement sa tendance à outrepasser le cadre des attributions qui lui étaient assignées par la charte de 1905. Cette tendance se manifesta de prime abord dans le projet de réponse au discours du Trône rédigé par une commission de trente-trois membres, tous appartenant à l’opposition. Dans ce projet se trouvait reproduit presque point par point le programme électoral du parti cadet : suppression du Conseil de l’Empire, responsabilité ministérielle devant la Douma, suffrage universel, abrogation de toute loi d’exception et de tout privilège de classe, liberté absolue de conscience, de réunion et de la presse, abolition de la peine de mort, etc. La question agraire y était traitée de la manière la plus radicale : distribution aux paysans de toutes les terres des domaines, des apanages, des couvents, expropriation forcée d’une partie des terres des propriétaires, etc. Enfin, le projet posait le principe d’une amnistie pleine et entière pour tous les crimes et délits politiques. La discussion de ce projet dura une semaine et se termina par une séance de nuit particulièrement mouvementée, au cours de laquelle les meilleurs orateurs du parti Cadet, comme Mme Petrounkevitch et Roditcheff, prononcèrent des discours enflammés reprochant au gouvernement la répression sanglante du mouvement révolutionnaire et exigeant l’élargissement immédiat de tous les prisonniers détenus du fait de ce mouvement. L’adresse fut volée à l’unanimité des membres présents ; le petit groupe des Octobristes et des Conservateurs lui-même n’osa pas émettre un vote contraire.

Le vote de l’adresse constituait indubitablement de la part de la Douma une tentative de s’arroger les droits d’une