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J’ai eu la bonne fortune d’assister à cette réunion de Cannes, aux discussions scientifiques, mais toujours dirigées vers un but pratique auxquelles elle a donné lieu. Dès le 1er avril, dans le décor élégant et confortable du Carlton qui a vu naguère tant de princes aujourd’hui périmés, d’autres princes à la redingote plus modeste, mais à la pensée infiniment plus luxueuse, les docteurs Roux, les sir Ronald Ross, les Golgi et tant d’autres princes de la science se trouvaient réunis pour mettre sur pied la nouvelle internationale, l’« Internationale de l’hygiène. » Son initiateur, M. Davison, a bien voulu m’en définir lui-même éloquemment les bases. Tout le monde en France le connaît, au moins de nom ; sous son impulsion la Croix-Rouge américaine a rendu à notre pays meurtri des services qui lui donnent droit de cité dans le cœur de tous les Français. M. Davison est vraiment le Pierre l’Ermite de la nouvelle croisade qui se prépare contre la maladie, — plus grande faucheuse d’hommes que n’est la guerre elle-même. D’allure très jeune, grand, le visage rasé, les lèvres minces s’ouvrant à peine sur une parole brève et nette, l’œil gris énergique et brillant d’une ardeur volontairement domptée sous la visière des sourcils, M. Davison m’a défini avec la clarté généralisatrice et nette des businessmen de là-bas l’œuvre qu’il entreprend :

« L’idée qui a présidé à cette réunion à Cannes des spécialistes les plus éminents des nations alliées et des représentants des Croix-Rouges est très simple. Le moment nous a semblé venu où, les armes faites pour tuer étant remises au fourreau, les armes qu’on a, dans cette guerre, forgées pour guérir et soulager doivent au contraire être utilisées et multipliées plus que jamais. La guerre a causé beaucoup plus de mal que de bien. Le peu de bien qu’elle a créé, nous voulons qu’il soit préservé et conservé. Nous le voulons d’autant plus que la grande leçon de cette guerre est une leçon de solidarité. Tous les efforts sont peu de chose, s’ils ne sont pas coordonnés ; on l’a bien vu par la manière dont la victoire fut finalement obtenue.

« Cette leçon de coordination, cette coopération, nous voulons l’appliquer contre la maladie et la mort, nous voulons l’utiliser pour restreindre le champ trop vaste des souffrances humaines. Dans cette conférence, chacun des spécialistes alliés viendra apporter pour tous le fruit de la cruelle expérience que la guerre lui a donnée. Ainsi les progrès faits par chacun seront multipliés par leur mise en commun. Veut-on des exemples ? L’armée américaine a fait, pour la prophylaxie des maladies vénériennes, l’expérience de certaines méthodes, —