Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/449

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Gladès, Du Bois Melly, Warnéry. Il y a des chants d’école et des livres pour les enfants, des poésies et des pièces de théâtre, Mme de Pressensé et Edmond Rostand.

Et, pour finir, une carte illustrée de Londres et un plan pittoresque de Paris.

Ainsi quand nous nous heurtons à tant de difficultés et tant de retards pour faire venir un livre de Paris, tandis qu’il est à peu près impossible de faire pénétrer en France des livres suisses, l’Allemagne, que nous nous représentons comme bouleversée, consternée, en détresse, s’occupe à guetter notre clientèle, et, saisissant l’occasion que lui offre cette reprise si lente des relations normales entre la France et la Suisse, elle nous propose de nous fournir de livres français et anglais ! En Allemagne, tout le monde est déjà au travail. Et les produits allemands vont de nouveau inonder le marché ! C’est effrayant… Allons- nous donc voir réapparaître, comme avant la guerre, leurs voyageurs de commerce qui faisaient le tour des laboratoires, offrant leurs préparations microscopiques, leurs collections, leurs instruments, objets qui arrivaient immédiatement, sitôt la commande faite, emballés avec soin ?

Nous sommes, quant à nous, très désireux de donner la préférence aux produits français. Mais il faut encore que les maisons françaises s’y prêtent, et qu’elles consentent à envoyer, sinon des voyageurs, du moins des catalogues, et à prendre les commandes.

Nous ne sommes pas une clientèle négligeable, quoique notre territoire soit restreint. Nous sommes des gens qui achètent des livres. Les plus modestes employés, les paysans eux-mêmes possèdent tout un choix de volumes, qui sont la fierté de leur demeure, quelquefois leur seul luxe. Les villages ont leur bibliothèque communale. Les bourgades ont un budget de conférences, et elles font appel aux professeurs de Genève, de Lausanne, de Fribourg et de Neufchâtel.

L’Allemagne sait fort bien tout cela : elle s’est toujours intéressée à nous… de trop près.

Il s’agit là d’une question bien plus grave qu’une simple question commerciale, qui a son intérêt cependant. Ce n’est pas seulement notre clientèle que convoite l’Allemagne. Depuis des années déjà, elle cherchait à s’emparer de notre âme. Et les dures expériences de ces quatre années de guerre ont