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enchantés de pouvoir se reposer. Mais en la circonstance actuelle, on ne tarde pas à savoir que son absence est due à une cause plus grave et, de nouveau, on s’inquiète de ce réveil du nihilisme. À cette occasion, le gouvernement impérial exprime sa reconnaissance au gouvernement de la République dont les avis ont contribué à la découverte de la conspiration. L’existence en avait été d’abord révélée en France où les nihilistes s’étaient réfugiés en assez grand nombre : « Nous prions votre gouvernement de ne pas les expulser, disait Giers à Laboulaye. A Paris, il est plus facile qu’ailleurs de les surveiller. »

Ainsi, une fois de plus, apparaissait l’impuissance du Gouvernement impérial à déjouer les effets de la propagande exercée contre l’Empereur et sa famille par le parti de destruction, dont les tentatives criminelles servaient dans la presse étrangère de prétexte à des appréciations exagérées et trop souvent malveillantes. Malheureusement, il y avait dans ses propos une part de vérité assez triste. C’était du moins le sentiment qu’inspiraient les arrestations constantes opérées en Russie en même temps que les précautions prises pour veiller à la sûreté de l’Empereur. Il venait de plus en plus rarement dans, la capitale et la nuit de Pâques, après les cérémonies religieuses accomplies suivant la tradition au Palais d’Hiver, la Cour était repartie à cinq heures du matin pour retourner à Gatchina.

Au cours de ces événements, le président Grévy, dans des circonstances non encore oubliées, fut obligé de quitter le pouvoir et remplacé par Carnot. Chargé de communiquer à l’Empereur le changement qui venait de s’opérer dans le Gouvernement français, Laboulaye fut reçu par Alexandre avec une bienveillance qui ne pouvait que le flatter. Giers lui avait dit : « Je suis sûr que nous n’aurons qu’à nous féliciter du choix excellent fait par le Congrès de Versailles. » Il reçut de l’Empereur un compliment analogue, puis l’Empereur l’ayant fait asseoir en face de son bureau, la conversation s’engagea sur des faits d’ordre général.

L’ambassadeur rappela qu’au printemps dernier, lors de l’affaire Schnæbelle et quand l’Allemagne accumulait des troupes sur les frontières françaises, l’intervention personnelle de l’Empereur avait conjuré le péril qui menaçait la France. Elle ne perdrait pas le souvenir de ce service et considérait le souverain à qui elle le devait, comme l’arbitre et le gardien de la