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vouloir pour arriver aux fins qu’il s’était proposées. A Paris, Mohrenheim déploya le même zèle. Lorsqu’il avait pris possession de son poste, il venait de Copenhague où, durant plusieurs années, il avait représenté le gouvernement impérial ; il passait alors pour souhaiter le maintien d’une politique russo-allemande et lui-même ne le cachait pas. Ce n’était, avouait-il, ni par conviction ni par préférence, mais uniquement parce que tel était l’ordre de son maître. Maintenant les dispositions de celui-ci étant changées, il s’y conformerait, considérant qu’un ambassadeur est toujours tenu d’obéir et se disant heureux qu’en cette circonstance les ordres qu’il recevait s’accordassent avec ses goûts personnels. Giers affectait peut-être plus d’indépendance, mais en fait il agissait dans le même esprit, ce qui a pu faire supposer qu’il avait été d’abord le partisan d’une politique allemande. Au moment où nous sommes arrivés de ce récit, ils prouvaient l’un et l’autre qu’ils étaient particulièrement heureux de servir une politique qui de plus en plus rapprochait la Russie de la France.


II

La crise se dénouait aussi heureusement qu’elle pouvait l’être. Comme l’avait sagement prévu le comte d’Ormesson, les événements de Bulgarie aggravés par la démission du prince Alexandre de Battenberg et par ce que l’Empereur appelait l’ingratitude des Bulgares, — événements sur lesquels il n’y a pas lieu de revenir[1], — lui avaient fait comprendre la nécessité de se rapprocher de la France. Ce n’était pas la première fois et ce ne serait pas la dernière que sa conduite devait révéler le combat qui se livrait en lui lorsque la politique du gouvernement français se trouvait en contradiction avec les principes qu’il considérait comme indispensables à la bonne marche des peuples.

Quoi qu’il en soit, la crise dénouée et les relations diplomatiques entre Paris et Saint-Pétersbourg devant être rétablies sur l’ancien pied, il n’y avait plus qu’à désigner le personnage qui viendrait représenter en Russie le Gouvernement français. Pour ce qui est de la représentation de la Russie en France, il

  1. Je les ai racontés ici et on les retrouve dans mon livre : Compans Ferdinand Ier tsar des Bulgares Cornpans. Paris, Attinger frères, éditeurs.