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allemandes, composées de corps d’élite et de volontaires, se battront avec un morne courage. Mais dans les dernières semaines, à l’arrière de la ligne de feu, c’est le désarroi des troupes d’étapes qui se débandent, c’est la capitulation, c’est la décomposition morale de la nation presque entière. Là-bas, à Berlin, la prison de Moabit est bondée de déserteurs en prévention de conseil de guerre, que, de temps à autre, avant tout jugement, la gendarmerie expédie en masse au front, pour qu’ils fassent place dans les cellules à d’autres prisonniers ; peu à peu les déserteurs errent impunément, par milliers, dans les rues. Peu à peu, dans maints corps de troupes, les fils de la vieille nation disciplinée, prenant modèle sur les moujiks, se forment en « Comités d’ouvriers et de soldats » et, déployant des oripeaux rouges, passent de la barbarie impérialiste à la barbarie anarchiste. Alors, tremblant à leur tour pour leurs foyers, ils précipitent leur retraite vers le Rhin, les pillards qui n’osent plus piller, les incendiaires qui n’osent plus incendier ; ils fuient, — Not kennt hein Gebot ! — les rois, les princes, les Sozialdemokraten et les Junkers ; ils fuient, — c’est la guerre ! — les bourreaux des Kommandanturs, et les pédantesques théoriciens de la Force que crée le Droit ; ils fuient, — c’est la guerre fraîche et joyeuse ! — devant les hommes libres.

Jusqu’aux dernières semaines et jusqu’au dernier jour notre infanterie aura durement besogné. Une dernière fois, comme nous avons fait si souvent, nous tâcherons de représenter ses mérites par un exemple. Nous reviendrons vers cette 9e division d’infanterie qui, aux jours tragiques de mars, avait soutenu, on s’en souvient, de si pénibles combats en retraite et s’était fait hacher sous Noyon.

Depuis, elle s’est reconstituée en Alsace. En juillet, transportée d’Alsace en Champagne, à l’Ouest de Damery, elle est engagée le 18 juillet, et depuis elle combattra presque sans trêve, d’abord au Sud de la Marne, puis entre la Marne et la Vesle, puis au Nord de la Vesle, puis entre l’Aisne et le camp de Sissonne : de juillet à la fin d’octobre elle défait l’ennemi en quatre larges combats, à Belval, à Montigny, à Berry-au-Bac, sur la Hunding-Stellung. Le 4 novembre, elle est transportée dans un autre secteur, devant Recouvrance. De là elle mènera la poursuite vers la Meuse. Les chars blindés roulent devant les fantassins, une pièce d’artillerie accompagne chaque bataillon