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et ses obus toxiques écrasent ou paralysent nos troupes sur la première position, et nous irons jusqu’au fond et jusqu’au bout de notre doctrine de la bataille soutenue sur des zones profondes.

Le 7 juillet, le général Gouraud adresse à ses soldats l’ordre du jour que voici : « Nous pouvons être attaqués d’un moment à l’autre. Vous sentez tous que jamais bataille défensive n’aura été livrée en des circonstances plus favorables. Nous sommes prévenus et nous sommes sur nos gardes. Nous sommes puissamment renforcés en infanterie et en artillerie. Vous combattrez sur un terrain que vous avez transformé par votre travail opiniâtre en une forteresse redoutable, forteresse invincible, si tous les passages sont bien gardés. Le bombardement sera terrible : vous le supporterez sans faiblir. L’assaut sera rude, dans un nuage de poussière, de fumée et de gaz, mais votre position et votre armement sont formidables. Dans vos poitrines battent des cœurs braves et forts d’hommes libres. Personne ne regardera en arrière, personne ne reculera d’un pas. Chacun n’aura qu’une pensée : en tuer beaucoup, jusqu’à ce qu’ils en aient assez. Et c’est pourquoi votre général vous dit : Cet assaut, vous le briserez, et ce sera un beau jour. »

Briser cet assaut, ce sera arrêter l’adversaire, non pas nécessairement sur la première position, mais là où nous voudrons livrer la bataille : et délibérément, systématiquement, quoi qu’il puisse lui en coûter, la 4e armée consentira par avance à abandonner une part de sa zone avancée, et même s’il le faut, cette région des Monts de Moronvilliers qu’elle était si fière d’avoir l’année d’avant très glorieusement conquise.

Les signes précurseurs se sont multipliés. D’une nuit à l’autre, la 4e armée attend le choc. Le 14 juillet, un fort coup de main lui procure des prisonniers : ils révèlent que ce sera pour cette nuit même.

Cette nuit-là, comme il avait souvent fait, l’Empereur allemand monta à un observatoire : il avait promis à ses soldats qu’il daignerait regarder leurs exploits. Il ne peut le savoir, mais c’est la dernière bataille que contempleront ses yeux cruels.

L’heure marquée pour l’attaque, et que les prisonniers allemands ont dite, approche. Avant qu’elle ait sonné, tout à coup, par un singulier renversement des rites, un travail de