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ces premières rencontres de 1918 furent surtout des combats d’infanterie.

Jadis, aux premiers mois de la lutte, lors de la Course à la Mer, presque aux mêmes lieux, le fantassin français avait affronté le fantassin allemand en rase campagne, et l’avait arrêté ; en 1918, plus fortement armé et plus confiant en la puissance meurtrière de ses armes, il recommençait, en même temps que son adversaire et dans les mêmes conditions de soudaineté, l’apprentissage de la guerre de mouvement : il trouva plus vite que lui, semble-t-il, dans les qualités héréditaires du tempérament national, de quoi y satisfaire : l’esprit de décision rapide, la souplesse, le sens individuel du combat. Mieux que son adversaire, il sut lutter par petits groupes isolés, où toujours, à l’instant voulu, se révélait un vrai chef, se défendre au besoin dans un fossé, sous un buisson, derrière une roche, se garder, s’éclairer, se relier, en un mot manœuvrer. Maintes fois en ces jours, l’esprit d’initiative d’une petite unité, d’un petit état-major, la spontanéité d’une improvisation locale aura redressé une situation d’ensemble compromise, et la défense du massif du Piémont par la 77e division (général d’Ambly) en offre un exemple déjà souvent célébré et qui restera classique, au jour surtout, 30 mars 1918, où deux colonels réglèrent sur le terrain même, pour la reprise du parc de Plessis-de-Roye, une manœuvre presque instantanée, qui semble pourtant préparée à loisir comme pour un jeu de Kriegspiel.

Du 21 mars au 6 avril, l’Allemagne, sacrifiant 300 000 soldats, aura engagé sur ce front de 80 à 90 kilomètres, et engouffré dans la « poche » creusée, des forces au moins quadruples des forces franco-britanniques, jusqu’à 89 divisions, — soit un million d’hommes. L’Allemagne l’a cherchée, la longue bataille qui doit se prolonger durant deux mois encore, la bataille en rase campagne, la bataille d’infanterie. Elle l’a voulue, elle l’a ; elle la perdra.


Elle la perdra, malgré les deux diversions, très redoutables, qu’elle tente : le 9 avril, dans les Flandres ; le 27 mai, dans le Soissonnais. Le 9 avril, c’est la bataille pour Armentières, c’est Bailleul enlevé, Béthune débordé, Ypres menacé : à nouveau, aux Monts des Flandres, les Français ferment la brèche. Le