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grande du front, suivant les exigences du moment (périodes d’instruction, travaux, repos, etc.), le reste des grandes unités et des régiments d’artillerie lourde qui forme la réserve des groupes d’armées ou du général en chef.

Notre bataille défensive se déroulera un jour telle qu’elle est ici pressentie et construite ; et peut-être eût-elle pris d’emblée, dès les premières semaines du printemps, la tournure qu’on lui verra prendre seulement au début de l’été, si l’ennemi avait attaqué d’abord les lignes françaises. Mais ce furent nos alliés britanniques qu’il attaqua, nous proposant par-là un surcroît de difficultés : et des mois s’écouleront, pleins de- lourds événements de guerre, avant que se retrouvent pour l’armée française des conditions de lutte qui soient propices à la mise en pratique de la doctrine déterminée à la fin de décembre 1917.


Pendant les premières semaines de mars, l’ennemi avait inquiété, menacé tour à tour plusieurs secteurs du front français ; à la faveur de ces feintes d’attaque, il amenait mystérieusement, par des marchés d’approche nocturnes[1], ses divisions vers les lignes britanniques. Le 21 mars, sur un front de quatre-vingts kilomètres, — entre l’Oise (région de La Fère) et la Sensée (région de Croisilles), — il donne enfin la bataille.

A 4 heures 40 du matin, avec une brutalité sans précédent, il submerge tout à coup les positions de batteries des Anglais sous les gaz des obus toxiques ; à 7 heures, ce sont leurs tranchées de première ligne qu’il écrase par un bombardement de Minenwerfer ; au bout de quatre heures, les défenseurs de la première position ont péri ou sont réduits à l’impuissance. Alors, à 9 heures, traversant le no man’s land à la faveur d’un épais brouillard, l’infanterie allemande fonce. La cuirasse fortifiée de l’armée britannique se disloque. Que peuvent, si vaillantes soient-elles, ses 14 divisions en ligne contre

  1. Ainsi la 113e division allemande a fait quatre marches de nuit, de Wassigny à Bellicourt ; la 13e s’est portée en quatre nuits de Valencienne à Clary ; la 19e est venue de Stenay en huit marches de nuit consécutives ; la 27e, débarquée près de Cambrai, a fait une marche de trente-deux kilomètres dans la nuit du 20 mars pour entrer en ligne le 21 au point du jour.