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s’était présenté au travail, un certain nombre d’arrestations furent opérées. Vingt et un ouvriers arrêtés furent cités devant le tribunal militaire pour refus d’obéissance aux autorités d’occupation, et condamnés à des peines variant de deux à cinq années de prison. Les autres grévistes arrêtés furent expulsés du territoire rhénan. La presse berlinoise, tout en dramatisant et en niant, avoua : « A Sarrebrück, les Français ont arrêté les membres du comité directeur du parti nationaliste allemand, qu’ils accusaient en partie de menées nationales et en partie de relations avec les bolchevistes. » Et elle ajoutait avec innocence : « Ces deux accusations ne sont évidemment pas fondées. » La grève du bassin de la Sarre était donc une grève d’un caractère spécial, mi-bolcheviste, mi-nationaliste; ainsi contenue et réprimée dès son début, elle avorta. Mais reprenons la suite des délibérations du Conseil des Quatre, sur lesquelles, principalement ou subsidiairement, l’Allemagne avait voulu peser, croyant qu’un pareil mouvement accuserait parmi eux les divergences de vues possibles et encouragerait les résistances escomptées.

Outre que l’artifice était visible des antipodes, et que la coïncidence même dénonçait la manœuvre, cette manœuvre venait trop tard. Il était déjà entendu « que la région de la Sarre recevrait un statut autonome sous l’égide de la Société des Nations. » Et déjà le Comité de rédaction, — c’était le même que le Comité du commissaire et des experts, le Comité des Trois: Mme André Tardieu, Headlam Morley et Haskins, — se réunissait « pour mettre au point certains détails du projet. » Cependant les Quatre ne chômaient pas : selon leur coutume, ils tenaient leurs deux séances quotidiennes qui, ce samedi 15 avril, leur permettaient « de faire sensiblement progresser vers une solution » l’étude de deux problèmes, dont le premier était celui du bassin houiller de la Sarre. Dans la note communiquée, autorisée ou tolérée, le progrès n’est pas si sensible. On nous répète que « le droit d’exploitation des mines serait transféré à l’État français, en compensation de la destruction de nos mines du Nord et du Pas-de-Calais. Durant quinze années, — voilà la seule précision nouvelle, — durant quinze années, la France exercera sur la région de la Sarre un droit de contrôle administratif. » Quel sera ce droit de contrôle et dans quelles conditions la France l’exercera-t-elle ? Nous ne l’avons su que le 15, mais depuis le 15, nous pouvons penser que nous le savons, puisqu’il n’y a pas eu de démenti : « Tout d’abord, il a été décidé que la France aura la propriété des mines de la totalité du bassin houiller. Pendant une période de quinze ans, le pays de la Sarre, constitué en