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coups de crayon la figure de l’orateur, sa cravate noire et son col rabattu, son expression pensive et cordiale. Après avoir lu son texte, M. Barnes se détache de son papier, ôte son lorgnon, improvise, fort aisément, une main dans sa poche, la péroraison bien sentie dont les discours du genre délibératif ne sauraient se passer, et il se rassied, au milieu des marques évidentes de la sympathie générale qu’ont méritée ses bonnes intentions.

M. Barnes ayant proposé, dans l’article 39 de son rapport, que la réunion de la première conférence internationale du Travail ait lieu à Washington, au mois d’octobre prochain, M. Wilson s’empresse de répondre qu’il approuve entièrement cette initiative, et que le meilleur accueil sera réservé aux délégués des nations représentées à cette conférence.

On applaudit. Il est donc entendu que les délégués du Travail international se réuniront à Washington, au cours de l’automne de cette année. Le gouvernement des États-Unis sera prié de convoquer la Conférence dans sa capitale fédérale. Le Comité international d’organisation sera composé de sept personnes : un Américain, un Anglais, un Français, un Italien, un Japonais, un Belge, un Suisse, désignés respectivement par les gouvernements des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France, de l’Italie, du Japon, de la Belgique et de la Confédération helvétique. Le protocole additionnel ajoute expressément ceci : « Le Comité pourra, s’il le juge nécessaire, inviter d’autres États à se faire représenter dans son sein. » Qu’est-ce à dire ? Serait-ce déjà une porte ouverte pour préparer, dès le mois d’octobre prochain, la rentrée des Boches au bercail pacifiste où, dans les années qui ont précédé la guerre, ils furent accueillis (le mot est de M. Clemenceau) par des « bêlements » ingénus ? On voudrait être fixé, un peu plus nettement, sur cette question essentielle. Il y a des silences devant lesquels (c’est incontestable) l’opinion française s’inquiète et s’attriste, tandis que, visiblement, l’Allemagne semble oublier sa défaite et reprendre des allures d’insolence, sinon de provocation. Et puis toutes ces organisations d’internationalisme, précédant l’exposé pur et simple des conditions imposées à l’Allemagne, ont le grave défaut de retarder cruellement, pour nous Français, qui avons tant souffert de cette guerre atrocement menée contre notre nationalité, les conclusions nationales de la paix.