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bien que par le désir d’assurer une paix mondiale durable, ont convenu ce qui suit. »

Ce qui suit, c’est une série de quatre chapitres et de quarante et un articles, concernant d’abord « l’injustice, la misère et les privations, ce qui engendre un tel mécontentement que la paix et l’harmonie universelles sont mises en danger, » réglant subséquemment la fixation de la durée maxima de la journée et de la semaine de travail, le recrutement de la main-d’œuvre, la lutte contre le chômage, l’affirmation du principe de la liberté syndicale, l’organisation de l’enseignement professionnel et technique « et autres mesures analogues. »

De tels sujets ne sauraient manquer d’éveiller toutes sortes de réflexions et de remarques dans l’esprit et sur les lèvres des honnêtes gens. En attendant l’ouverture de la séance, j’échange quelques propos avec mon voisin de droite, auquel je demande, à cause de son accent :

— Vous êtes sans doute Espagnol ?

— Non, dit-il, Péruvien.

Mon voisin de gauche est Japonais. Il lit consciencieusement la même note, traduite en anglais, et se pénètre des quarante et un articles de la convention créant un organisme permanent pour la réglementation internationale du travail, sans oublier le protocole additionnel et le projet de neuf articles supplémentaires à insérer dans les préliminaires de la paix future.

Cependant, les délégations continuent d’entrer dans la salle. On aperçoit, en passant, un buffet discrètement servi dans un salon voisin du lieu de l’assemblée générale de la Conférence. Chaque délégué amenant avec lui une assez nombreuse suite de conseillers techniques, de secrétaires ou d’attachés, il faut trouver, en séance plénière, des chaises pour tout le monde. C’est à quoi s’emploient les jeunes fonctionnaires du cabinet des Affaires Etrangères, avec cette politesse qui est une des meilleures traditions de la maison, trouvant un mot aimable pour chacun, et sachant, à l’occasion, selon le précepte et l’exemple du prince de Talleyrand, ajuster leur parole et leur geste aux qualités respectives de leurs interlocuteurs. On parle à mi-voix, comme c’est l’usage dans la bonne compagnie. Le bruit des pas est assourdi par l’épaisseur veloutée des tapis. Les serviteurs du ministère, en habit noir et cravate blanche,