Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

respectables pasteurs de la Géorgie. La gravité naturelle de son visage studieux se détend quelquefois, comme s’il souriait à une vision intérieure. Un de ses gestes habituels, c’est d’étendre les deux doigts de la main droite, comme pour bénir l’avènement de la concorde universelle qui mettra d’accord tous les peuples du monde, peoples in the World. A mesure que l’orateur avance dans cette lecture du rapport sur la Société des Nations, le débit s’échauffe, le geste se précise, la tête se redresse au-dessus du buste droit et immobile. Sa main se lève, comme pour construira la cité future en linéaments visibles et palpables. Rien de plus touchant que cet enthousiasme d’un homme d’État qui est en même temps un homme d’étude.

C’est l’usage, à la Conférence de la Paix, que les discours anglais soient traduits, séance tenante, en français, de même que les discours français sont traduits en anglais. Un jeune universitaire, très distingué, M. Mantoux, agrégé des langues vivantes, ancien élève de l’Ecole normale supérieure, mobilisé comme lieutenant-interprète, est chargé de ce double travail, qui exige une rare présence d’esprit et suppose une culture très étendue. Pour s’adapter, en effet, si vite, à la pensée d’hommes qui ont à traiter des questions d’une si haute gravité, il ne suffit pas de connaître les mots usuels de deux langues, ni de transposer deux vocabulaires coutumiers. Le langage adopté pour les débats d’une conférence internationale aussi extraordinaire est nécessairement exceptionnel, encyclopédique. Il faut, pour le comprendre, avoir fait des études auxquelles les simples traducteurs n’ont pas coutume de s’adonner. La traduction, dans ce cas, n’est plus une version mécaniquement littérale, c’est, au sens exact du mot, une interprétation, non seulement fidèle, mais vivante, émouvante comme le texte original. C’est ainsi que l’ingénieux et rapide travail de M. Mantoux nous permet de mieux sentir la beauté du discours du président des États-Unis.

Flétrissant l’Allemagne et ses complices, soulignant d’un geste significatif l’expression d’une indignation émue, M. Wilson a dit formellement : Cette guerre, qui a eu des résultats terribles, en a eu aussi de très grands et de très beaux. Le crime a été vaincu ; les peuples ont été une fois de plus persuadés, plus que jamais, de la majesté, de la puissance du droit. Il a dénoncé les forfaits des « nations sans conscience, » pour qui les peuples