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grosses bûches et de troncs d’arbre, dont nos pères aimaient la braise étincelante et les tisons ardents. Une grande statue allégorique, représentant la Vérité ou- la Justice, armée d’une torche, domine ce Salon de l’Horloge où va sonner une heure importante dans l’histoire de l’humanité.

Visiblement ému, le président des États-Unis prend place à la droite de M. Clemenceau. Son fauteuil, plus élevé que le siège des autres Plénipotentiaires, a un dossier surmonté d’une sorte de couronnement en bois doré : privilège apparemment réservé aux chefs d’état par un protocole strictement respectueux des règles de la hiérarchie. A côté de lui, est assis son secrétaire d’Etat, M. Robert Lansing, celui-là même qui naguère flétrit, on sait de quelle plume énergique et vengeresse, au nom des lois qui s’imposent à la conscience des nations civilisées, les naufrageurs du Lusitania. Conseiller légiste et secrétaire d’Etat, M. Lansing est, avant tout, le jurisconsulte de la délégation où son voisin, M. Henry White, représente l’ancienneté et l’éclat d’une carrière consacrée tout entière au service public et au développement de l’amitié franco-américaine. Le colonel House siège également à la table de la Conférence, auprès du général Bliss. Figure fine et douce, volontiers effacée, un peu mystérieuse, le colonel House, qu’on a surnommé « le Sphinx du Texas, » est uni au président de la République américaine par les liens de la plus étroite amitié.

Soutenu par la chaude sympathie de ses compatriotes à laquelle s’ajoute l’unanime déférence de toute l’assemblée, le président Wilson lit d’une voix bien posée le texte de son rapport dactylographié sur les feuillets de papier, qu’il tient d’une main que l’émotion fait un peu tremblante. C’est au nom de quatorze nations, que tous les termes de ce rapport ont été choisis et pesés. Les mots détachés par une diction nette, un peu lente, très simple, tombent gravement dans le silence respectueux de la salle. Pas de gestes inutiles. Un ton de professeur de faculté, plutôt que de tribun du peuple. On dirait parfois un cours d’enseignement supérieur, ou quelque soutenance de thèse dans une Sorbonne idéale. Il y a, dans l’attitude, dans les paroles, dans les silences de cet orateur religieusement écouté, beaucoup de sagesse académique, et aussi, par instants, une sorte d’onction évangélique, presque sacerdotale, qui ne -saurait nous étonner de la part du fils d’un des plus