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instants de détente, vite écoulés dans la tourmente qui l’entraîne, Orléans, comme une balle, Reims, comme une croix portée qu’on peut enfin poser à terre et qu’on ne connaîtra plus.

La vie de Jeanne d’Arc a été racontée dans des œuvres magistrales[1]. Le cadre où s’est déroulée sa carrière a été retracé avec des soins minutieux. Son procès et son martyre ont été éloquemment exposés. Mais le chemin de sa Passion, pendant le drame intérieur qui transfigure sa jeunesse[2], pendant la carrière insigne qu’elle semble parcourir triomphante, à vrai dire avec tant de larmes, n’est-il pas également à scruter et à suivre, sur la trace de ses pas ? N’est-ce pas un hommage qu’en un pareil instant nous avons en quelque sorte le devoir de lui rendre ?

Nous voudrions ici tenter de le faire, en mettant à profit les plus récents travaux consacrés à la Vierge Suinte[3], en serrant de près quelques textes, et en déduisant de leurs données ou de leur rapprochement les conséquences les plus plausibles. On pourra restituer ainsi quelques versets du psaume d’angoisse de Jeanne d’Arc.


LE JARDIN DE DOMREMY.

C’était un petit clos tranquille, entre la maison paysanne et l’église. Le clocher le dominait de sa hauteur. Il touchait au mur bas du cimetière, dont les tombes entouraient le temple. Par les fenêtres de la tour, le son des cloches, s’échappant en ondes harmonieuses, aux heures fixées par les rites,

  1. Ce n’est pas aux lecteurs de cette Revue que nous avons à rappeler les savants et pénétrants articles de M. Gabriel Hanotaux, où la formation, la mission, l’abandon et la condamnation de Jeanne d’Arc ont été retracés avec autant de sûreté d’information que de hauteur de vues, et où la dissection des événements politiques que Jeanne eut à traverser a été fait une fois pour toutes avec une si particulière autorité.
  2. « Jeanne était une enfant qui souffrait, » dit avec force M. Maurice Barrès (Autour de Jeanne d’Arc).
  3. Les textes recueillis par Quicherat (Procès de condamnation et de réhabilitation de Jeanne d’Arc) ont pu être appelés justement le « Mémorial » de la Pucelle. — Anatole France, Vie de Jeanne d’Arc. Siméon Luce, Jeanne d’Arc à Domremy. Chan. Ph.-H. Dunaud, Histoire complète de Jeanne d’Arc. Francis Lowell, Joan of Arc. Andrew Lang, The maid of France. R. P. Ayroles, la Vraie Jeanne d’Arc. Chronique de Parceval de Cagny, éd. Moranvillé. Chronique d’Antonio Morosini, avec traduction de M. Léon Dorez.